En Corée du Sud, ils doivent avoir un laboratoire ultrasecret dans lequel ils fabriquent des réalisateurs ultra doués qui font des films ultra sensas. Jin Jang par exemple. Encore inconnu ici (mais prolifique en son pays depuis une vingtaine d’années), celui-ci devrait désormais, après ce Man on high heels imparfait mais remarqué (et doublement récompensé au dernier festival du film policier de Beaune), avoir droit aux honneurs d’une sortie nationale pour chacun de ses prochains films, au même titre que ses illustres compères encensés dans le monde entier (Bong Joon-ho, Park Chan-wook, Kim Ki-duk…).


Et si Man on high heels évoque le cinéma de Kim Jee-woon (A bittersweet life en particulier), c’est plutôt du côté japonais qu’il faut aller fureter en le rapprochant volontiers de Sion Sono ou de Takashi Miike (sans les scènes de torture à base d’aiguilles). Comme ces deux-là, Jin Jang se permet pas mal (tout en restant plus raisonnable), pour le meilleur comme pour le pire : mélodies sirupeuses, du kitsch et du mélo, flash-backs en mode Instagram, sexualité «déviante», éclats gore, bain de sang final… Tout cela se mélange avec plus ou moins de bonheur, bancal et infernal, sentimental et hormonal, et parfois on se dit (et on le regrette aussi) que Jin Jang aurait pu aller encore plus loin dans la grandiloquence bariolée.


Parce que son histoire de flic impitoyable aux allures de yakusa (le Japon, encore) se rêvant femme ou Madame Butterfly, épouse ou concubine, le permettait, permettait plus d’outrances, plus de flamboyance que ce traitement finalement un peu trop «tout public» et sans réelle subversion (la conclusion, comme une imposture, est là pour nous le rappeler) malgré son étonnant sujet (altéré d’ailleurs par des intrigues parallèles de serial killer et de gang revanchard qui, elles, manquent singulièrement d’intérêt). Entre douceurs et violences, Jin Jang fait de son antihéros une figure imprécise de la virilité, respectée et même admirée (par ses collègues, par ses rivaux), voire désirée, dont il s’amuse à malmener l’image et à bouleverser le genre.


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mymp
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le 1 août 2016

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