Altruisme vs eugénisme : ou comment j'ai troqué mes ralentis pour plein de petits zoom

Les meilleurs films sont-ils forcément les plus intéressants? A chaque nouveau projet de Zack Snyder, je me dis que non, décidément.


Lister les défauts de Man of Steel est un jeu d'enfant, et pour cause : le père Zack n'est ni un génie, ni un petit malin. Un génie saurait qu'une idée n'est pas toujours bonne. Un petit malin saurait que les lens flares et les zoom demandent un bon dosage pour ne pas saturer le palais. Mais Zack ne sait pas cacher les défauts, faiblesses et autres maladresses de ses films. Ils sont exposés plein cadre, prêts à se voir moqués. Et croyez-le ou non, c'est plutôt une bonne nouvelle.


Les fans de Snyder, à chaque fois, espèrent le voir corriger ces défauts, livrer un vrai grand film et faire taire ses détracteurs. C'est encore raté, même avec la présence de Chris Nolan au poste de producteur, dont on pouvait croire que la rigueur influerait sur le cinéma un peu foutraque du réalisateur de Sucker Punch. Que dalle, pas une miette de Nolan ici (si ce n'est dans une ligne de dialogue citée plus loin et quelques flashes-back à la Batman Begins), rien pour faire gripper cette machine en roue libre qu'est le cerveau de Zack Snyder. Car le bonhomme, non content d'imposer son style, profite de ce film-là pour en changer radicalement. Célébré ou hué pour ses ralentis extrêmes, il les abandonne ici pour des coups de zoom hasardeux censés renforcer l'immersion.


Peine perdue, Zack : c'est bien joli de vouloir faire un doigt à ceux qui n'aiment pas ton style en troquant ton artifice visuel favori pour son antagoniste, mais là, c'est une vraie contradiction vu le sujet. Cela dit, on a aussi le droit de trouver que c'est méchamment couillu : ton film fonce, trébuche, se relève, se mange un mur puis prend son envol, se vautre dans l'illisible avant de rebondir de façon exaltante. Non Zack, ton Man of Steel n'est pas le chef-d'oeuvre attendu. Il est bancal, maladroit, mais il tente des choses et surtout, ne prend jamais son public pour un parterre de beaufs. Et les défauts de tes films sont souvent plus passionnants et touchants que mille artifices rompus de films plus maîtrisés (Into Darkness, si tu m'entends...).


Car ton Superman écrase sans même les regarder tous ces spectacles débiles et mous du genou qui remplissent leur feuille de route avec une flemme sans nom : Thor, Catwoman, Daredevil, X-Men Origins: Wolverine, Ghost Rider et sa suite... DC ou Marvel, les cancres se valent. Leur ridicule n'est plus à prouver. Sauf qu'entre voir Thor se taper une binouze au rade texan du coin ou la femme-chat rouler du cul, je préfère largement être embarrassé de te voir foirer une scène comme celle de la tornade, où tu t'autorises un cliché pas possible (le chien...) qui bousille l'émotion. Une erreur risible, soit, mais pas un foutage de gueule, et c'est ce qui fait toute la différence entre toi et les autres. C'est aussi ce qui fait que j'apprécie d'autant plus les fulgurances dont tes films sont truffés. Y compris quand elles s'appuient sur des croyances que je ne partage pas.


Sous-tendu par des symboles christiques (le héros, âgé de 33 ans dans le film, sera vu dans une pose hautement symbolique après un sauvetage en haute-mer) bien plus pertinents que ceux qui parcouraient The Dark Knight Rises (Joseph Gordon Levitt chargé de "conduire l'exode", l'image à peine déguisée d'un Batman marchant sur l'eau), Man of steel se veut être un chemin de croix. Pas celui d'un homme ayant perdu la foi, plutôt celui d'un surhomme effrayé à l'idée que personne ne puisse croire à la bonté de ses actions s'il devait faire usage de ses pouvoirs. On va sûrement beaucoup jaser sur la séquence où Clark Kent part trouver conseil auprès d'un prêtre mais en plus de citer directement un dialogue/leitmotiv présent dans Inception ("Take a leap of faith"), la séquence fait clairement sens avec le personnage : venu d'un monde dont il n'a rien su pendant trois décennies, incapable de trouver sa place et de composer avec ses pouvoirs, pourquoi ne pas le voir se tourner vers une figure paternelle comme celle-ci ?


Car en parlant de Dieu, ce dont on parle ici, c'est bien de la naissance d'un personnage qui, s'il le voulait, pourrait lancer une nouvelle religion. Aussi américain que l'est Spider-Man (leurs costumes sont aux couleurs du drapeau local, ce n'est tout de même pas pour rien), Superman n'en demeure pas moins capable d'anéantir tout ce qui se trouve sur son passage, ce que les accents comiques naissant de ses rapports avec les autorités militaires rappellent régulièrement. Le retour à des valeurs aussi naïves que la confiance, le sacrifice de soi et l'amour des siens peut faire sourire après la trilogie de Nolan, irriguée d'enjeux politiques plus complexes et tordus. Mais est-ce pour autant une tare quand on traite d'un personnage aussi positif et non-soumis aux lois physiques des humains ?


Pas vraiment car Snyder oppose à Superman un méchant formidable : le général Zod (excellent Michael Shannon), immonde eugéniste prêt à tout pour son peuple, quitte à anéantir le nôtre pour donner une nouvelle terre au sien. L'Enfer est pavé de bonnes intentions et le combat titanesque qui oppose ces deux personnages les réduit en miettes, Snyder s'autorisant des joutes aériennnes d'une ampleur assez bluffante. Et ce, malgré les maladresses de mise en scène dont il fait preuve. Egalement porté par un casting sympathique et une musique formidable (du Hans Zimmer en mode bourrin, ok, mais quelle énergie !), Man of Steel énervera profondément ceux qui le rejetteront comme il emportera (avec ou sans réserves) les moins réfractaires.


Ok, c'est pas dit que les athées de la salle y trouvent leur chemin de Damas mais Man of Steel reste une sacrée promesse dont les tentatives parfois abouties, parfois foirées, toujours énergiques, laissent régulièrement sur les rotules. Dommage néanmoins que Snyder ait opté pour une vilaine photo désaturée dont les couleurs tirent systématiquement vers le gris,ce n'est pas très joli et ça ankylose la direction artistique.


Allez-y, j'ai fini de prêcher, lapidez-moi. M'en fous, j'ai neuf vies paraît-il.


PS : quand les partenaires comprendront que les pubs dans les films, ça fait marrer les gens (les plans sur l'appareil photo de Loïs Lane, c'était pathétique, on était 400 à être d'accord vu la rigolade), peut-être qu'ils arrêteront.

Fritz_the_Cat
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le 21 juin 2013

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Fritz_the_Cat

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