Film du premier envol, héritage d'un certain mythe américain, Man Of Steel est avant toute chose l'œuvre fondatrice d'un nouvel olympe au cinéma. Face à un public bercé par le film de Donner comme par la trilogie révolutionnaire d'un Nolan omnipotent, l'attente de notre kryptonien relevait ainsi du sacré. Tout sauf un iconoclaste de par sa filmographie et ses influences, Snyder se pose ainsi comme la figure originelle d'un projet titanesque, une entreprise où la question de la paternité s’avérera décisive dans ce film comme les suivants. C'est donc logiquement par une naissance dans les astres lointains sous les regards de tendres parents que notre passionné débute ce qui était alors son projet.


Pour traiter d'un dieu vivant, Snyder va dès lors bâtir son récit en épisodes, filant ainsi la métaphore biblique à la symbolique bien souvent poussée à outrance mais toujours en lien avec l'imagerie employée et le propos soutenu. Une naissance donc, l'héroïsme hésitant d'un enfant, le sacrifice des pères, découverte de l'amour et mise à l'épreuve des principes structureront un film où le héros se découvre et grandit continuellement. Une naissance mais aussi un dialogue avec le père, un poids de l'héritage à assumer ou rejeter tout comme notre réalisateur au moment de traiter d'un tel monument. Désormais divinité en devenir, nous sommes devant la réappropriation d'un mythe en aucun cas synonyme de trahison. A ce titre MoS est une merveille d'adaptation et ce dès ses intentions mêmes. La figure messianique originelle propre aux comics est plus poussée que jamais, elle-même évoquant inévitablement le lien avec les pères et leurs cultures respectives que l'on retrouvait chez Richard Donner par ailleurs. Man of Steel est alors une naissance que l'humanité est désormais condamnée à admirer sous le signe de l'impuissance. Une culture de la fascination entre peurs et espérances, la figure du héros opère, incarnation de quelque chose de pur et de bien plus grand. En mêlant le film d'invasion alien au genre super héroïque, Snyder nous peint alors un double voyage initiatique, l'un opérant dans le fort intérieur de notre homme d'acier, le second vécu quant à lui par les populations concernées. Inversement le déterminisme (social) d'un Zod le prive de tout apprentissage et recul, incapable d'être un autre et de fait condamné à périr à son tour. Snyder bâtit des dieux, les rend mémorables tout en sachant aussi les maltraiter, déconstruire pour mieux les glorifier, les humaniser pour les rendre hors d'atteinte. Brisée à en pleurer, notre figure astrale tel l'albatros figé au sol doit pourtant se relever.


Aussi les compositions de très grande qualité signées Zimmer insuffleront-elles cette pureté propice à la majesté de l'imagerie déployée. Chez Snyder tout est livré aux yeux du spectateur, destiné à l’idolâtrie, le héros a beau être friable il n'en reste pas moins intouchable et fascinant. Le costume est glorifié mais aussi pensé, le héros iconisé. Superman questionne son rôle, parle de représentations, il n'est que symbole mais symbole nécessaire. La séquence Flight (dont le morceau synthétise le film dans son entièreté) s'impose comme un modèle du genre, une référence. Une énergie naissante, un calme entre douceur et hésitation avant d'embrasser un destin sans retour possible, le tout sublimé par ces notes et ces plans. Une séquence épique où l'intime se mêle au grandiose dans ces paysages épurés, le héros isolé avant de se révéler aux yeux du plus grand nombre. Le spectacle se mêle alors au naturel du procédé tant ce dernier est sensé. L'esthétique de comics assumée à la manière de tableaux factices permettant à Snyder d'atteindre une certaine pertinence entre croyances et doutes. Une grâce des mouvements, un déploiement de la puissance de ces êtres que seul Matrix avait su retranscrire jusqu'alors. C'est l'art comme révélateur du réel, dépoussiérant les traumatismes d'une époque aussi. Il faut alors sauver le père et poursuivre son œuvre, sacrifiant un monde pour la survie d'un autre. Réalisateur et homme d'acier font qu'un bien souvent en définitive. Par la multiplicité et l'impact des choix, la figure du héros n'est pas seulement dans la représentation ici, le héros c'est d'abord celui qui fait des choix et agit. A ce titre Snyder expose au maximum Superman pour en faire le seul décisionnaire tandis que les chœurs portent toujours plus cet élan qui envahit le film pour mieux éclater dans ce duel de titans pour ne pas dire de civilisations.


C'est dans ce contexte même que Snyder se réapproprie une problématique propre au genre. Le héros faiseur de démons. Car ironiquement c'est bien le symbole d'espoir qui conduira le mal aux portes de la Terre sous les yeux de l’impuissance humaine. Sauver ceux que l'on a exposé. Le poids des morts de Métropolis cristallisé par la fin de Zod entre larmes et rage ou comment une nouvelle fois lier le destin des hommes à celui des dieux, penser Superman par son propre regard comme celui d'autrui. Car si Snyder filme notre kryptonien avec cette distance mémorable, la portée ouvertement politique du film se révèle définitivement par les regards adressés. Les combats et interventions extraordinaires sont observés d'en bas. Le point de vu terrien systématiquement adopté par la petitesse d'un restaurant texan comme dans l'horizon funeste d'une ville récemment endeuillée. La destruction de Métropolis et son chaos ambiant en témoignent jusqu'à créer une polémique comme génial élément déclencheur d'une suite. Des dieux si puissants que le combat se retrouve alors déconnecté de tout, la figure du héros protecteur mise à mal au grand dame de la critique alors que cette dernière omettait le véritable film d'apprentissage que constitue Man Of Steel, continuellement accompagné de la voix des pères comme autant de conseils que de tiraillements. En ce sens le film constitue une certaine leçon pour le genre, déployant au maximum ses problématiques à la grandeur affirmée quitte à sombrer dans la maladresse et le grossier parfois même. Le héros n'a de sens que si le monde environnant possède une importance certaine, chose sur laquelle Snyder ne cessera de se pencher jusqu'à créer la polémique.


Une fois encore Snyder a saisi le potentiel du comics au cinéma et surtout l'essence même du héros originel. La pureté d'un dieu indissociable ici d'un génocide, la découverte de soi comme de l'autre par l'admiration et l'attention que l'on porte, les pères d'autres mondes pour guider l'étranger à la vitesse salvatrice. Alors qu'avec Batman v Superman la figure de la mère succédera à celle des pères avant le parricide commis par Justice League, Man of Steel se révèle être la pierre angulaire d'un projet aux thèmes forts et multiples en harmonie totale avec les choix artistiques adoptés. Le public n'était alors pas prêt pour Superman mais désormais les dieux sont bien parmi nous.

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le 23 nov. 2017

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Chaosmos

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