A l'instar de Denzel Washington, arme humaine à la moue facile et au sourire furtif, rien ne semble arrêter Tony Scott. Car en voulant réaliser un thriller d'action et sentimental, le cinéaste se heurte à toutes les fautes du genre et plonge droit dans le piège du film aux gros bras sans cervelle. Et encore.


Parce qu'il falloir au spectateur en quête d'action une patience exemplaire pour s'accrocher et subir prés d'une heure et demi de torture psychologique à base d'amitié entre l'alcoolo à la recherche de rédemption et la gamine tellement attendrissante qu'elle en devient insupportable (Dakota Fanning, petite blonde aux yeux bleus qui semble avoir tout pris de sa mère dans le métissage). Dans un méli-mélo pathétique, Scott nous ressert la même rengaine hollywoodienne et ses clichés intolérables : dialogues d'une débilité et d'une mièvrerie écœurantes, scènes improbables (entraîner une gamine de huit ans à la natation à la méthode des marines américains, ça ne fait pas réagir les parents), rapprochement aussi subit que prévisible, personnages à la psychologie limitée... On se demande ainsi si Scott a lui même des enfants pour montrer un être doté d'une telle perfection. Mais soit, cette première partie fastidieuse a pour but de nous attacher aux personnages et craindre pour leurs vies. Raté.


Quand les paupières menacent dangereusement de se fermer, la partie testostérone commence enfin, pour le plaisir de ces messieurs (et certaines de ses dames, ne soyons pas misogynes). Consistant uniquement à une série de scènes de torture et de barbarisme douteuses (soit Scott est bien étroit d'esprit et ne connait pas la pitié, la dignité ou le pardon, soit il a voulu refléter un certain soldat américain de base et on peut facilement le taxer d'antiaméricanisme primaire), l'heure qui reste ressemble à n'importe quel film de sa filmographie (ou à n'importe quel film d'action, d'ailleurs). On ne vous cache pas en effet le plaisir de voir qu'en 2003, il est encore possible de réaliser des scènes d'explosion au ralenti avec le héros marchant face caméra, le visage fier et droit, lunettes de soleil sur le nez. Ou encore de faire résister ce même héros a une dizaines de balles dans le corps, sans aucun humour ou ironie sous-jacent (contrairement à des films à la Die Hard). Et n'oublions pas la figure de style préférée du cinéaste (qui semble avoir un partenariat avec des compagnies d'Aspirine) que l'on retrouve dans toute sa filmographie, consistant à un montage épileptique de n'importe quelles images sous la main, mise sans dessus dessous, zoomées, accélérées, ralenties et répétées (bizarrement aussi disponible sous les formats « dramatiques » et « flashbacks »).


Le film de Scott nous avait par ailleurs habitué à une subtilité proche du néant par sa description d'une Mexique ultra corrompue (y-a-t'il un flic intègre dans le pays ?) et répugnée au plus haut point (Scott se permet même d'ironiser dans le générique de fin en remerciant Mexico City, « un endroit très spécial »), sans parler de la philosophie « à deux balles » (« Une balle dit toujours la vérité. ») ; mais c'est finalement la finesse de sa morale qui trouble le plus. Man on Fire semble effectivement tenir le même discours que Taxi Driver : une sorte de croisade vindicative mêlée de rédemption et de grand nettoyage, guidée par Dieu (le héros connait la Bible, évite le suicide par un miracle et reste accrochée à son Saint jusque la fin) et par la folie engendrée par les stigmates de la guerre (Afghanistan, ici, vs Vietnam, chez l'autre). Sauf que là où Scorsese montrait l'aliénation de son héros à travers le regard des autres, Scott montre que tous ses proches (relatifs), des gens « normaux » (la mère, les deux seuls Mexicains à peu près honnêtes) l'aident et l'encouragent dans ses choix...

obben
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le 9 nov. 2011

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