Mandela : Un long chemin vers la liberté par Maître-Kangourou

Comment ne pas débuter cette critique par un hommage à Mandela ? (Considérons plutôt que ma conclu s'en chargera) Mais surtout, comment ne pas questionner l'heureux concours de circonstances qu'est la sortie de son biopic quasi-officiel deux semaines seulement après son décès ? Et si derrière la roche, anguille il y a, le film est bien là, résumant en quelques deux heures et demie le cœur de la vie de M. Mandela, de son enfance jusqu'à son investiture politique en passant par ses luttes anti-apartheid et ses quelques 27 années d'emprisonnement...

Projet ô combien ambitieux que celui de s'attaquer à l'existence d'un tel mythe. Ambitieux comme Justin Chadwick, peu connu par chez nous puisqu'il n'a travaillé que sur très peu de films, dont Deux Sœurs Pour Un Roi qu'on a vite fait d'oublier... Chadwick est donc parti du principe qu'il fallait tout caser en deux heures et demie, guidé par un souci certain de l’authenticité des faits, attendu au tournant par une horde de puristes mandelistes de tous horizons. De son perfectionnisme, naît un biopic fidèle et détaillé, dans lequel on comprend tout le pourquoi du comment de l'ancien leader révolutionnaire de l'ANC, puis du président sud-africain, plus que jamais porte-parole de la paix dans le monde.

Ce qui est dommage, c'est que le récit devient très vite assez linéaire, en accordant une place équitable à chaque moment de la vie de Mandela sans jamais donner plus de profondeur à l'un plutôt qu'à l'autre. De facto, on ne fait qu'effleurer sur la longueur chaque scène à la surface sans jamais pouvoir se poser véritablement un véritable instant au fond des pensées du héros.

La faute aux prises de vue, très sommaires, à des plans toujours en mouvement, des scènes trop survolées qui rendent le film trop superficiel, presque comme si nous étions devant un portrait documentaire d'une figure historique auquel on a ajouté du contenu fictif, avec des acteurs forcément moins dans l'intensité que dans l'imitation. Je pense à Idris Elba, lui-aussi quasi-inconnu du grand public. Malgré sa voix très imposante, et son énorme travail pour coller au plus près à la démarche de Mandela, l'acteur ne va pas transcender nos esprits de par son interprétation, qui reste néanmoins suffisante. En revanche, Naomie Harris est lumineuse, et nous permet d'en apprendre davantage sur Winnie Mandela, son épouse, et dirigeante acharnée de l'ANC cependant que Mandela purge sa peine sur Robben Island.

C'est d'ailleurs cette partie-là qui s'avère être la plus passionnante, car on y voit le Mandela détenu cultiver le pardon pendant vingt-sept ans face au peuple blanc et surtout face aux gardiens de prison, personnages clés de son histoire, tandis qu'au dehors se poursuit le combat des noirs pour leur liberté. Là encore le parallèle aurait gagné à être appuyé davantage par la mise en scène, encore trop superficielle. Malgré tout on comprend comment il a mûri de son expérience carcérale, pourquoi il en ressort en véritable symbole acclamé par toute une population, prônant désormais la paix et le pardon comme seuls véritables armes de résolution du conflit qui sévit alors de plus en plus violemment dans les années 80.

J'en terminerai par la toute fin du film: à l’inverse de son introduction, qui était un peu faiblarde, Justin Chadwick réussit parfaitement sa conclusion en un superbe travelling circulaire sur Mandela marchant dans les plaines sauvages d’Afrique du Sud, lequel enchaîne sur Ordinary Love, de U2 au générique. Niais mais sympathique.

Pour conclure, on a droit à un biopic assez propre, qui montre très bien la conciliation difficile entre vie privée et combat politique, et qui souligne une fois de plus la générosité d’un homme qui a donné sa vie pour la liberté des autres, jusqu’à s’oublier lui-même. Quelques soucis pour ce qui est de mettre l’accent sur certains moments, rendant le film un peu plat, mais ça vaut le détour pour quiconque souhaite connaître ce qui a construit cet emblème qu’est Nelson Mandela. Ni plus, ni moins.

Créée

le 21 déc. 2013

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