Excepté les films d'actions coproduits avec les studios américains, je ne connaissais pas le cinéma philippin, et j'avais un souvenir traumatisé de Cinq et la peau, le premier film de Pierre Rissient, qui se déroulait à Manille et dit sous forte influence de Lino Brocka.


Comme quoi il faut toujours juger une œuvre uniquement en la regardant, car Manille est un grand film, à la fois une histoire d'amour tragique et un documentaire terrifiant sur les conditions de vie et de travail dans la capitale philippine.
Un jeune homme se décide à aller dans cette grande ville pour rejoindre sa fiancée dont il n'a plus de nouvelles depuis des mois. Pour vivre, il va devoir travailler dans des constructions de bâtiments, et il va découvrir un monde cauchemardesque pour retrouver celle qu'il aime...


La surprise est là en découvrant ce pays où les pires conditions de travail sont réunies dans ce chantier où les ouvriers dorment à même le sol, n'ont pas de casque de protection, sont payés au lance-pierres, peuvent se faire virer du jour au lendemain, globalement sans aucune sécurité dans le terme global du mot. Le personnage principal, que joue Rafael Roco Jr, est comme le spectateur, hébété de ce qu'il voit, car il représente l'âme du film, une sorte blancheur que la noirceur de la ville va peu à peu le contaminer. C'est souvent dur, car il passe par des tas de situations humiliantes, mais il sait qu'il n'a pas le choix ; il doit tout vivre, tout subir, tout endurer pour retrouver sa fiancée.


On sent que le tournage s'est fait rapidement, avec des plans à la volée dans les rues XXL de Manille (qui est la ville la plus peuplée au km² au monde !), où le soleil ne semble être guère présent, sauf pour montrer à quel point la moiteur est là, perlant sur les personnages.
Quant à l'histoire d'amour, elle est entrecoupée de brèves flashbacks sur une union qui semblait heureuse, avec la fille qui voulait quitter le village natal pour découvrir autre chose. Mais il y a quelque chose poignant dans cette relation à distance, dans le déterminisme de cet homme, assez peu loquace, mais qui semble porter sur lui la misère du monde.


C'est une découverte très impressionnante que je viens de faire, qui porte à la fois sur le constat que ce pays a l'air pourri de l'intérieur, mais où un semblant de pureté semble encore subsister. Il y a quelque chose de l'ordre de thriller par moments, on sent la maitrise de ce Lino Brocka, qui sera révélé au reste du monde grâce à Pierre Rissient.

Boubakar
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le 21 févr. 2019

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