Mank
6.3
Mank

Film de David Fincher (2020)

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Finchounet nous dévoile son intimité

Le dernier Fincher est un virage brutal. Aussi intimiste et différent que fut OUATIH de QT, Fincher prend la même mesure avec son film tout frais sortis sur la plateforme Netflix. Après six ans d’attente, le grand réalisateur revient avec le deuxième biopic de sa carrière après le chef d’œuvre qu’était The Social Network.
Et je dois dire que ses biopics... eh bah je crois que Fincher est destiné à ne faire que des chef-d’œuvres avec ce genre de films.

Et pourtant il y a beaucoup de choses qui diffèrent d’un Fincher usuel. Le premier étant que pour la première fois dans toute sa carrière le réalisateur délégue, il s’abandonne au scénario là où d’habitude il se mettait au dessus de son scénario pour le façonner. Là il se laisse diriger par le scénario écrit par son père. Et le voir se faire diriger par un scénario pour la première est un très noble signe d’introspection. C’est avec une grande sincérité qu’il met en scène ce long-métrage. Et franchement je dois dire que c’est extrêmement touchant.

Cette introspection est multiple. Le bonhomme, qui plus est, se confronte à Orson Welles, se questionne en tant qu’artiste à travers son œuvre. Une remise en question pour faire un état des lieux sur une carrière. Modestement comparé son parcours avec celui d’autres artistes et d’autres cinéastes. Il est inspiré et aspire à beaucoup de choses, pense et cogite sur lui-même et l’industrie qui l’entoure.

C’est un film que beaucoup trouvent très imperméable, trop d’informations, qu’il faut savoir comprendre et qui ne prend pas par la main son spectateur. Parce que ça parle d’une autre époque, s’attarde sur des faits pas forcément connu du public. Pour moi qui ne suit pas une grande lumière dans le domaine, ayant simplement vu Citizen Kane et connaissant de qui le scénario s’inspirait... eh bah je n’ai pas eu de problèmes. Mon visionnage n’a subit aucun accroc et je ne me suis jamais sentit largué ou désintéressé.

Parce que je trouvais que le film était plutôt clairvoyant dans ce qu’il voulait nous donner, qu’il était facilement compréhensible pour peu qu’on s’intéresse à ce qu’on nous raconte. J’ai beaucoup appris de l’intérieur de toute cette affaire, du background de l’œuvre, de la pré prod du film et de la situation de l’époque, financière de la nation ou des studios. On apprend le contexte, ce que ça engendre, rencontre les personnes qui ont accompagné ou entravé le projet par le biais des interactions et des relations avec notre héros éponyme, le célèbre scénariste de Citizen Kane : Mank !

Une personnalité intéressante, intellectuelle, qui s’amuse de la bêtise des autres. Un visage de clown colporté par les autres pour ses nombreuses scènes, résultantes d’un fort penchant pour l’alcool le rendant incontrôlable et au direct encore plus agressif. Un franc-tireur, un marginal coutumier du sans-filtre et de la franchise, proposant de grands moments de joutes verbales, de sous-entendus et de bras de fer et duels verbeux. Vraiment jouissifs par instants, un déluge de beau mot vient, pour le mieux, inonder les oreilles du spectateur.

Et parlons-en du scénario du popa de Finchounet. C’est mignonnement pensé, on pense très gentiment à la reprise de la structure de Citizen Kane pour ce biopic, affublé de nombreux flashbacks pour entrecouper l’écriture du futur scénario. C’est franchement un bel hommage.
Rajoutez à ça une réa au service du scénario, plus simple certes mais tout aussi bien emballé, Fincher oblige. Le résultat ? Un film en noir et blanc très beau qui semble assez chaleureux, photo et couleurs magnifiques avec un gros travail pour rendre le film plus ancien et le transposer dans les années 40 et un aspect pellicule rajoutée au montage au grain vraiment bon mais aux exubérances et imperfections exagérées mais jamais laides.
Ça passe par un sound design décoiffant, bruitages d’époques et masques sur les voix pour rendre l’aspect des films d’époques, un peu grésillants et tout. De ce point de vue là, c’est indéniable, Fincher a délivré un travail soigné et minutieux.
Derrière la caméra, de beaux cadres, indéniablement, technique millimétrée comme d’habitude mais fatalement plus sage. Mais est-ce que cette sobriété est un mal ? Certainement pas et au contraire, ça permet de sublimer d’autant plus les grands moments que l’on retiendra encore plus après le visionnage !

Le cast est parfait. Fincher est un grand directeur d’acteur décidément. Tout le monde joue bien, sans exception... pas très sûr pour Gary Oldman qui est censé incarner une personne qui a 44 ans mais bon... passons. Hormis ça je n’ai aucun soucis et je suis ravi de découvrir un cast investit et aussi carré. Et quel plaisir de voir Tom Pelphrey, sauveur d’Iron Fist, dans un film et qui plus est dans un Fincher !!! Épaté, j’attend avec impatience ses prochaines apparitions que le grand écran.
Aussi le duo de compositeurs attitré de Fincher demeure juste et minutieux, une grosse bande son pour accompagner cette œuvre qui sait s’envoler quand l’image le demande.

Un film tendre et intime, qui fait gentiment son cours d’histoire. Bien que cette phrase semble être un euphémisme, j’ai envie de dire que ce n’est aussi que ça, mais c’est un film incarné, malin et bien fait. D’une grande légèreté malgré ses 2h15, une leçon impressionnante de cinéma. Fincher montre à nouveau toute l’étendue de son talent. Comme quoi, on a pas attendu six ans pour rien !
Un bel hommage pour le père, une œuvre qui est une porte ouverte à tout un cinéma, et un simple merci pour cela est je pense... nécessaire.
Pour moi, ce sera un grand merci, un moment qui m’a fait rêvé ! Un moment qui m’a instruit, qui m’a touché, transporté.

Film : 5
Feeling : ❤️❤️❤️❤️❤️

Smathy
9
Écrit par

Créée

le 24 févr. 2021

Critique lue 64 fois

Smathy

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