Il faudrait se demander si Maps to the Stars n'est pas, comme les meilleurs Cronenberg, une boîte à double fond.
Tout le film semble se jouer, peut-être plus encore que les deux précédents, sur un registre indécis: la satire est parfois très superficielle, ce dont témoignent les séances de coaching entre John Cusack et Julianne Moore, mais aussi les propositions de contrats mirobolants faites par les producteurs à Benjie (Evan Bird), enfant-roi, seule véritable star du film. "Avec tant de pognon, même Mère Thérésa aurait pété les plombs", dit l'un des producteurs, ce à quoi Benjie répond que "Mère Thérésa est morte". Il y a un très grand nombre de traits satiriques dans le film et tous sont très froids.

Pourtant, sous sa surface froide, le film révèle quelque chose de plus inquiétant, qui se manifeste à travers les fantômes qui hantent les personnages. Il y en a principalement deux et ils apparaissent sur des modes très différents: le fantôme d'Havana est celui de sa propre mère, c'est un fantôme souvent grotesque, sa fonction est moins de faire peur à Havana que de lui pourrir la vie, de l'enfoncer dans ses névroses, comme Mme Edgar dans Pas de printemps pour Marnie. La jeune fille qui hante le jeune Benjie est plus énigmatique: on le voit, au début du film, lui rendre visite à l'hôpital et on remarque, à côté du lit d'hôpital, un gros coeur rose fluorescent sur lequel on peut lire "We love you".

Comment expliquer ce "We love you"? Qui est capable d'aimer dans Maps to the Stars? Le fantôme de la jeune fille n'est peut-être que là que pour indiquer de cette absence d'amour que l'on remarque dans chaque relation: les parents et leurs enfants, la jeune star et sa fan, l'autre star et son assistante.
Une seule relation, pourtant, échappe à cette règle, c'est celle qui lie Benjie à sa soeur, Agatha. Ce personnage au visage brûlé, qui est aussi une revenante, rappelle beaucoup celui de Carl Fogarty (Ed Harris) dans A History of violence : comme lui, Agatha vient rappeler à la famille les crimes du passé. On comprend, dès lors, pourquoi elle revient à Los Angeles avec un scénario qu'elle qualifie de "mythologique". Cette mythologie va conduire les deux personnages jusqu'aux étoiles ("a mapstar" en anglais est une carte du ciel), dans une scène de suicide romantique assez inattendue, qui vient briser la surface glacée du film. Maps to the stars laisse finalement le souvenir de cette très grande douceur: les vers de Liberté d'Eluard ont beau désigner une révolte impossible, il n'empêchent pas Agathe et Benjie de s'endormir dans une très grand calme, en regardant les étoiles, libres parce qu'enfin libérés du poids d'une histoire familiale qui s'arrête avec eux.
chester_d
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Créée

le 25 mai 2014

Modifiée

le 29 juil. 2014

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chester_d

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