Margin Call surprend. Il surprend le spectateur qui s’attend à voir un film sur le crash boursier de 2007, qui s’attend à découvrir les dessous d’un milieu corrompu et complètement à l’écart de la réalité des gens de ce bas monde, qui espère être pris dans le tumulte et le stress d’un matérialisme fictif.

Nous développons un imaginaire très stéréotypé de ce milieu professionnel. Ces hommes et ces femmes qui jouent avec l’argent sont pour nous des êtres un peu surréels. Ils appartiennent à un monde qui n’est pas le nôtre de part l’exubérance des salaires qu’ils obtiennent et de par la facilité qu’ils ont à manipuler un argent qui passe de mains en mains sans être palpable.

Margin Call ne démonte pas cette vision, mais il la nuance. Chandor a décidé de poser le coeur de l’action quelques heures avant le crash boursier de 2007. A Wall Street, les traders d’une grande boîte cherchent à éviter de plonger avec les autres lorsqu’ils découvrent une analyse de la situation à venir. Ils sont les premiers, et ils doivent agir en conséquent.

Les personnes ici présentes sont en plein doute. Le siège éjectable sur lequel ils se trouvent n’a jamais autant manqué d’aide à l’atterrissage. Faut-il préserver sa dorure et se ramasser sur une zone peuplée ou dévier sa trajectoire pour plonger tête baisée en pleine campagne ? Pas de stress, c’est le boss qui prend la décision pour eux. Trop d’enjeux...
Et pourtant, le discours de Will Emerson est assez intéressant. Il explique qu’il n’a pas de pitié pour les gens «normaux». Il dit que ce qu’il fait est utile. Que toutes ces classes moyennes attendent d’eux de pouvoir avoir un cadre de vie agréable avec des prêts avantageux, une maison, un chien, une femme et une consommation de plus en plus large. Que c’est grâce à lui si ils peuvent se procurer tout cela. Que s’il ne faisait pas tout cela, l’égalité dans le monde serait respecté mais le niveau de vie serait bien inférieur. Il raconte qu’il est leur bouc émissaire : quand tout va bien, on ferme les yeux sur les malheurs du monde, mais quand tout va mal, il devient le responsable des maux de la planète. La responsabilité est selon lui conjointe... Ça laisse à méditer...

Tout ce scénario est enrobée dans un huis clos calme et pensif. L’effervescence de Wall Street telle qu’on a pu se l’imaginer n’apparaît pas ici. Et c’est ce qui fait la force de ce film, qui va se différencier d’un Wolf of Wall Street, très axé sur l'exubérance des traders et leur vie dissolue. ici, ce sont des hommes (presque) comme les autres : ils travaillent beaucoup, ils sortent le soir entre collègues, ils ont une femme, un chien, des émotions (pour certains)... et on est dérangé de cela. Préférerait-on qu’ils soient des bêtes, sans coeur, sans réalisme ? C’est la question qui se pose ici...
elfemere
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le 11 févr. 2015

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