Le destin tragique et romanesque de Marie Stuart, souveraine du royaume d’Écosse de 1542 à 1567 (avant de finir décapitée en 1587), méritait forcément plus que ce truc gentillet et insipide, parsemé d’erreurs et d’approximations historiques. La jeune monarque a en outre, jadis, inspiré Stefan Zweig, Madame de La Fayette ou encore John Ford, et fut incarnée, entre autres, par Isabelle Adjani, Katharine Hepburn ou Vanessa Redgrave. Elle n’a en revanche pas vraiment apporté, chez Josie Rourke (à la réalisation) et Beau Willimon (au scénario après avoir abandonné House of cards), de souffle créatif tant ce Marie Stuart, reine d’Écosse manque de tout, et surtout d’envergure.


Saoirse Ronan, dans le rôle titre, s’en sort plutôt bien en reine devant faire face à d’incessantes luttes d’influences, manœuvres complotistes et autres discordes religieuses, soumise à un monde d’hommes tolérant mal une femme au pouvoir. Idem pour Margot Robbie en Élisabeth 1re gâtée par la petite vérole, et les deux actrices sont les seuls véritables atouts dont le film peut éventuellement se targuer. Même la direction artistique n’offre rien d’original, à peine plus élaborée qu’un mauvais épisode de Kaamelott. Les enjeux scénaristiques sont brouillons, se télescopent dans une dramaturgie qui abordent trop de sujets et d’événements à la fois, en délaissant certains (pourtant intéressants) pour en privilégier d’autres (pourtant inintéressants).


Et dans son envie de coller aux faits existants et d’y associer quelques thématiques sociales plus contemporaines (girl power, homophobie, #MeToo et Cie…), le film y perd son latin et en devient académique, corseté par sa volonté de sortir du cadre mais sans aller trop loin quand même. Il aurait fallu plus de fougue dans les veines, plus de passion au corps comme dans La reine Margot de Patrice Chéreau qui avait su si bien capter (et retranscrire) le bouillonnement fiévreux de ces temps troublés. Il aurait fallu peut-être la démesure d’Elizabeth de Shekhar Kapur ou du Baby of Mâcon de Peter Greenaway, ou pourquoi pas la folie théâtrale et contemporaine d’un Derek Jarman quand il filma Édouard II (ou de Ken Russell quand il filma Les diables). Quitte à tordre le cou aux canons et aux conventions de l’Histoire, autant le faire avec singularité, et l’assumer avec panache.


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mymp
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le 6 mars 2019

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