Après l’énième démission d’une de leurs nourrices, Mr. et Mrs. Banks décident d’avoir recours à une nouvelle, plus efficace, une qui saura dompter leurs deux bouillants enfants : Mary Poppins. Mais ils sont loin de se douter du bazar qu’elle va mettre dans leur vie…
Lorsque sa suite est sortie, j’étais allée le voir et j’avais exprimé sur ce site toute ma déception. Mary Poppins est un de mes films préférés et son Retour sans être une honte quelconque n’arrivait jamais à prendre son envol alors qu’il montrait clairement qu’il le pouvait. Bon, le film n’était déjà pas aidé qu’à sa sortie, puisque beaucoup avaient peur qu’il défigure l’œuvre originale tant elle était parfaite et inimitable.
Mais qu’est-ce qui fait de Mary Poppins ce chef-d’œuvre intemporel ? C’était la question que je me suis posée cet été en le revoyant.
Au-delà de l’ambiance bon enfant, tirée d’un curieux mélange entre effets spéciaux pratiques quasi parfaits, tournage en studios grandioses, dialogues fins et jeux d’acteurs (Mon Dieu ! je comprends mieux le traumatisme des anglais en écoutant Dick Van Dyke. Je ne suis pas bonne en accent mais qu’est-ce qu’il nous fait ?), il y trois thèmes au cours duquel se forme le propos du film :
-La famille : nous arrivons dans une maison brisée d’une manière bien théâtrale. En effet, les enfants ont disparu, madame délaisse ses devoirs pour la cause suffragette et monsieur, c’est à peine s’il se souvient qu’il en a, accaparé comme il est par son travail ! Le travail de Poppins ne va pas uniquement être de garder les enfants mais de faire retrouver à la famille son unité. Que Madame puisse fièrement brandir ses valeurs féministes tout en s’occupant des enfants, que Monsieur comprenne qu’il n’y a pas que le travail dans la vie et qu’il est avant tout un modèle pour ses enfants (donc qu’il ne foire pas tout) et que les enfants découvrent comme devenir adultes sans rien perdre de leur envie de vivre !
Au passage, cela me fait toujours rire quand on dit que Disney était misogyne. Bien qu’il devait avoir la manière de penser d’un homme WASP (White Anglo-Saxon Protestant) des années 50, il comprenait certaines choses comme le droit de voter. Non, s’il avait eu un vrai (un vrai de vrais, hein !) problème avec les femmes, il n’aurait jamais laissé autant de remarques féministes dans le film (« Although we adore men as individuals, we do agree that, as a group, they’re rather stupid » par exemple). Certes, il est mort peu de temps avant la sortie du film mais ça reste un de ses projets les plus chers (émotionnellement, pas financièrement) et il a veillé personnellement au grain en sa qualité de producteur.
Bien sûr, la réunification familiale se fait selon moi grâce à deux éléments, les deux thèmes suivants :
-La charité : ou la miséricorde, ou l’humilité ou la modestie (vous voyez l’idée, j’espère). En effet, comme on me l'a un jour soufflé, l’un des éléments fondamentaux du film est qu’il faut apprendre à faire attention aux gens et aux petites choses de la vie. Les personnes doivent être aussi bien nos proches (Mr. Banks dont personne ne se rend compte qu’il est malheureux avec son travail sans passion qu’il idolâtre pour survivre, Mrs. Banks qui, même pétrie de bonnes intentions, finit par ne pas se rendre compte du malheur de ses enfants, etc.) que les petites personnes qu’on croise dans la rue. En cela, la dame des oiseaux (vous l’appelez, comment, vous ?) en est le meilleur exemple de la charité qu’on peut imposer aux autres. En prenant le temps de lui rendre visite, non seulement on lui apporte un peu de joie mais aussi profite-t-on de la vie, notamment en le « gaspillant » à nourrir des oiseaux (l'importance du temps qui passe est un autre sous-texte du film).
En cela, la critique de la banque est une critique plus subtile que dans le Retour de Mary Poppins. En effet, la banque est considérée comme un lieu d’aliénation sans âme où on perd l’intérêt des vraies choses et on ne se passionne plus que pour des choses futiles (l’argent en tête). Dès lors, c’est au moment où tous se rappelleront de ce principe de miséricorde (notamment, grâce au rire, thème secondaire du film, mais lié à la charité) que tous pourront pleinement s’épanouir.
-La magie : ou l’imagination. C’est peut-être aussi ce qui m’avait le plus dérangée dans le Retour de Mary Poppins. Mary Poppins apporte un univers magique, autrement dit de la joie, dans une famille qui en manque cruellement. Bien qu’elle invite à avoir la tête dans les étoiles, Mary Poppins a néanmoins les pieds sur terre et apprendra aux enfants à devenir des adultes, bons et aimants. La version de Julie Andrews me semble parfaitement adéquate pour donner ses enfants à éduquer. PAS celle d’Emily Blunt (et malgré tout mon respect pour son travail) ! Paradoxalement, Blunt m’a l’air d’interpréter une version plus sénile de Poppins, une où c’est la fête du slip sans aucune raison et où, en plus d’être gâteuse, elle est démente, incontrôlable et irresponsable !
Ici, c’est avant tout un appel au voyage pour se construire en tant qu’adulte. De plus, si votre enfance a été réussie, nous dit le film, vous serez un adulte accompli. C’est pour cela que le voyage vers l’imagination est important (l’éducation est aussi un thème secondaire, en lien avec le thème de la magie).
C’est aussi parce que ce film réussit aussi bien à mélanger ces thèmes avec une réalisation et un talent formidables qu’il est unique et un chef-d’œuvre intemporel. Si une personne en 1964 pouvait voir toute la richesse de l’œuvre comme je la vois aujourd’hui, il y a fort à parier qu’on continue à la voir dans les années à venir. C’est peut-être aussi pour cela qu’une suite ou un remake ou que sais-je encore ne peut arriver à reproduire cette particularité si fascinante (et ce, même si les livres proposent une histoire différente) et que par conséquent, il ne fallait peut-être pas tenter le diable, peu importe les bonnes intentions et le talent. Parce qui a été fait jadis, a été fait dans une période particulière et ne peut être retentée, à moins de tout gâcher*.
- A noter que, comme toute généralité, elle a ses exceptions.