L'amitié inhérente chez un être incertain

Chez Mary comme chez Max, tout est question de détails. Et comment mieux définir la subtilité du quotidien, des petites choses qui font notre monde qu'à travers ce petit univers de personnages de pâte à modeler, sur laquelle s'inscrit chaque aspérité.
Mary, petite fille australienne laisse entrevoir un bonheur justifié au travers de choses simples, allant du simple goût sucré de son lait concentré jusqu'aux épisodes de son dessin animé préféré duquel elle partage le visionnage avec son poulet de compagnie. Délaissée par ses parents comme par ses camarades de classe, elle n'entretient aucune relation saine et pérenne. Un jour une drôle de situation hasardeuse amenée par la vie lui fait entreprendre un dialogue épistolaire avec un new-yorkais d'une quarantaine d'années; Max. C'est le début d'une longue amitié.


Dans un monde déconnecté de toute réalité, cette relation lointaine semble pourtant plus vivante, elle définit l'écriture comme l'auto-thérapie que chacun des deux protagonistes effectuent, sans s'en rendre compte. Parler de soi pour parler de l'autre. Mieux s'aimer pour mieux appréhender son prochain. Voilà le voyage initiatique, bien que statique, que débutent Mary et Max, deux inconnus que tout sépare.
Lu et raconté par une voix-off surplombant son récit, cette histoire bien que commune, libère en leurs fors intérieurs le sentiment d'un partage et d'une amitié incongrue mais salvatrice. Chacun souffre de sa condition, ne pouvant s'y dégager qu'au travers de sa rencontre avec l'autre. Cette fragilité est le cœur même du film, tableau amère d'une société qui se recroqueville sur elle-même, s'auto consomme et se consume. Les deux protagonistes n'en réchappent pas, ils sont des engrenages de cette machine consumériste, bien qu'ils tentent à leur échelle d'être de meilleures personnes.


Si Mary doit représenter l'espoir de l'enfance, la couleur d'un mode de vie plus proche de l'essentiel, Max lui est le symptôme d'une maladie engendrée par la dépravation urbaine, aussi grisâtre qu'un immeuble sans vie. L'envie que ces deux mondes se rencontrent en vrai, naît de la volonté du spectateur d'échapper à cette vision monochrome, dépressive, d'un homme fonçant droit dans le mur. Car Max, s'il ne sait pas pleurer, reste tout de même ce corps triste, rendu énorme par sa solitude, sa routine et son incompréhension des autres; personne ne l'aide vraiment, Mary est son dernier rocher auquel s'accrocher.
L'évolution de cette relation, au fil du temps, laisse émerger les désirs et les regrets des deux lointains amis. Leurs phrases, leurs idées, leurs génies, prennent plus d'importance que l'espace cloîtré de leurs corps, qu'ils répudient tant. Dégoûtés d'eux même, les formes disgracieuses ont elles aussi leurs mots à dire, elles parlent même souvent plus que les personnages, car dans ce monde il est plus question de voir que d'écouter, de juger que de discuter.


Les bruitages enfantins permettent au récit de rythmer son montage autant que la musique met en valeur les sentiments profonds de Mary et Max. La voix off lie alors les destinataires des lettres comme le narrateur d'une douce histoire, contée au creux de l'oreille. Le bonheur c'est l'autre qui l'apporte; celui qu'on ne connaissait pas, et qui par le temps, devient plus qu'un confident, plus qu'une oreille attentive, devient un ami.
Entretenu par ses qualités esthétiques, le film est loin d'oublier la vertu qu'il a à redéfinir l'animation comme autre chose qu'un cinéma pour enfant. Bien loin d'un dessin animé moralisateur remplit de joyeuses couleurs ayant pour but d'hypnotiser la jeunesse. C'est une histoire aussi triste que pleine d'espoir, c'est un chemin à emprunter pour qui souhaite y redécouvrir son humanité. Parfois laisser couler quelques larmes permet de mieux soulager les maux du cœur, et les mots du papier font couler la douceur.
A celui qui n'a jamais su s'ouvrir à son prochain, à tout ceux qui oublient qu'ils font partie d'un grand dessein, Mary et Max sont l'antithèse d'une société dégénérée, par leur amour de l'autre ils sont le partage qu'on a trop oublié.

Louis2Sousa
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le 17 sept. 2020

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Louis De Sousa

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