Elles sont toujours agréables ces virées en minivans, ces road-trips entre potes.
Les immensités Américaines à portée de van. Un Texas infini, sauvage et brûlant, offrant à la jeunesse en quête d'aventures des kilomètres de routes cabossées et de paysages désolés.
Un réseau routier éclaté, morcelé. Du bitume, des chemins de terre, des kilomètres de goudron au beau milieu d'un désert de caillasse, des routes toutes neuves qui ne mènent nulle part et des chemins de traverse qui mènent à Rome.
Des heures et des heures passées à rouler sous un ciel blanc et un soleil de plomb pour s'apercevoir qu'il n'y a rien au bout de ce chemin interminable. La fin.
Mais les voyages ne forment-ils pas la jeunesse ?

Le chemin est tout tracé: Tout droit. Continuer dans cette linéarité labyrinthique, ces grands espaces claustrophobiques.
Une chaleur mortelle, la route se liquéfiant dans le lointain, troublant l'horizon, écrasant tout repères.
Dans l'éclat violent d'un soleil vicieux, il surgit. Seul, au milieu de rien du tout : L'auto-stoppeur oublié de Dieu.
Un ange tordu aux ailes cassées; un messager de l'enfer se mutilant et riant comme un dément, venu annoncé à ces brebis égarées qu'elles ne reverront plus le troupeau, que les bergers en on décidés autrement, que le chemin va s'arrêter là.
Chassé du mini van comme Satan du Paradis, il prendra soin de marquer ses bêtes en étalant le sang de ses mutilations sur le véhicule pour le rendre reconnaissable aux bergers.
Le voyage se terminera ici. L'unique station service à des kilomètres à la ronde n'est plus ravitaillée, les cuves sont vides, le piège se referme.

Que faire en attendant l'éventuel ravitaillement de carburant ?
Visiter la ferme perdue et délabrée où Sally et Franklin, son frère handicapé, ont grandi.
Tourner en rond dans l'enclos bien délimité sous l'oeil attentifs des bergers. Se promener, se baigner, attendre patiemment que le couperet ne tombe.
C'est lorsque deux amoureux égarés tombent sur cette vieille masure isolée, cachée derrière une végétation dense et oppressante comme un avertissement, que les barrières de fer tomberont lourdement autour d'eux piégeant définitivement les pauvres brebis sans défenses.

Le boucher vient d'aiguiser ses couteaux. L'abattoir a ouvert ses portes.

1974. Vietnam, "Watergate", guerre froide, assassinats politiques, la jeunesse Américaine se désillusionne et commence à se lasser des beignes en pleine gueule qu'elle reçoit depuis pas mal de temps dèjà.
Le cinéma comme le reflet d'une société piétinant dans la gadoue, sacrifiant ses enfants et s'asseyant sur sa moralité, renvoie l'image d'un pays en proie au doute, à la suspicion et à la peur.
Le nouvel Hollywood prend ses marques et commence à poser les jalons d'une nouvelle "façon de faire".
Quant à la série B , elle se durcit, elle se radicalise.
L'horreur se veut plus réelle, plus "sociale". La peur se fait plus directe; ce n'est plus cette vilaine momie, ce loup-Garou tout poilu ou ce Frankenstein maladroit qui te fout la frousse désormais, mais ton gentil voisin.
Les "Bissards" de cette époque (devenus les grands maîtres de l'horreur quelques années plus tard), les Craven, Hooper, Romero ou Carpenter jettent aux flammes les vieilles peurs de papa, ringardisent les monstres et font couler des litrons d'hémoglobine.

L'époque a changé, la jeunesse est terrorisée et elle le dit....Avec ses mots !

Hooper offre aux yeux effarés des spectateurs de l'époque la parabole malsaine d'une Amérique en décrépitude où la violence devient la règle, où l'anormalité devient la normalité.
C'est un conte amoral, un "petit chaperon rouge" sanglant où le chaperon court et hurle en pattes d'èph' dans la forêt pendant des plombes et où les dents du grand méchant loup se revêtent d'acier et se transforment en chaînes de tronçonneuse.
Une histoire que raconte Hooper aux enfants de la nouvelle génération pour qu'ils n'aient plus peur de s'endormir, leur démontrant que par bien des points la réalité est bien plus effrayante que les pires de leurs cauchemars.

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le 4 déc. 2014

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Ze Big Nowhere

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