La première fois que j'ai vu Match Point, je ne l'ai pas aimé. Les films de Woody Allen me paraissent toujours intellectuels, une grande place est accordée aux dialogues, aux états d'âme des personnages mais l'aspect brouillon de l'image, les prestations approximatives des acteurs me rendent ces spéculations plus attendrissantes.

Match point, de par son esthétique, devient cérébral et stérile. C'est un film qui n'échappe nulle part au contrôle de son réalisateur, et qui est bien trop léché à mon goût.
Mais dans cette "perfection" il y a malgré tout du très beau ("malgré tout").

Il m'a semblé que le film était toujours très centré sur les personnages. Nola et Chris sont particulièrement bien mis en valeur : leur duplicité contraste de façon notable avec ceux qu'ils fréquentent. On voit Chloé et son frère sans état d'âme dans leur vie car ils sont à leur place, ils n'ont rien à conquérir, rien à oublier (un passé misérable), rien à travestir (leur personnalité). Cette simplicité transparaît dans certains actes ou certaines revendications. Le frère quitte Nola sans se poser de questions, sans voir les enjeux qu'il détruit se faisant, car lui-même n'a aucun enjeu dans le film. Chloé veut des enfants, les siens à elle, et cette décision de couple est présentée comme quelque chose allant de soi malgré le fait qu'on sente que Chris ne veut pas la prendre.

En opposition à ces personnages sans avidité, nous avons Chris le pauvre irlandais et son pendant féminin actrice américaine sans emploi. Tous deux se rencontrent dans un monde qui n'est pas le leur, et se sentent comme deux chiens d'une même fratrie. Leur violente attirance vient probablement (au début du moins) de cette complicité contre la condition sociale qu'ils convoitent et dont ils se sentent plus ou moins rejetés. C'est explicite pour Nola, critiquée par la mère de son fiancé car elle s'entête à rester elle-même, à poursuivre sa carrière d'actrice. Chris lui, comprend qu'il lui faut se travestir pour parvenir à ce qu'il souhaite, et accepte le boulot, le mariage, la vie et le caractère qui vont avec l'aisance financière.
A partir de ce moment là, sa passion pour Nola devient indispensable à son équilibre ("je t'en supplie, donne moi ton numéro"). Cependant ce que veut Chris, c'est Chloé et la vie avec Chloé. Nola n'est là que pour lui donner des forces pour son autre vie. Il est alors contraint de mentir à tous. A Nola il cache ses besoins réels (une soupape, un contact avec ce qu'il était avant de devenir le beau-fils de) pendant que sa belle-famille n'a jamais accès à ce qu'il est.

Le meurtre de Nola survient quand son ancien milieu souhaite le rattraper. Nola représente cet ancien milieu défavorisé, vivant dans des appartements également fréquentés par les souris. En tombant enceinte et en imposant sa volonté à Chris, elle lui demande de choisir entre son ambition et la condition d'où il vient (qui le met chaque jour mal à l'aise). Chris avait déjà choisi. Changer de milieu signifie perdre ses origines et ses liens avec elle. Chris tue Nola, et avec elle l'ancien Chris.

Mariondg
7
Écrit par

Créée

le 2 mai 2011

Critique lue 425 fois

1 j'aime

Mariondg

Écrit par

Critique lue 425 fois

1

D'autres avis sur Match Point

Match Point
Grard-Rocher
9

Critique de Match Point par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Chris Wilton est un excellent joueur de tennis à tel point que, débarquant à Londres, il parvient à se faire remarquer par un riche club afin d'exercer la fonction de prof de tennis. Il a ainsi ...

64 j'aime

45

Match Point
Silencio
8

Critique de Match Point par Silencio

Cela commence d'une manière assez classique on va dire. Classique, c'est le terme qui colle le mieux au début du film : tout est lisse, propre, riche et poli. Pourtant, sous sa tacite impassibilité,...

le 26 févr. 2011

41 j'aime

Match Point
Theloma
10

Le jeu de l’amour et du hasard

Dans la filmographie de Woody Allen, Match Point est un film à part. Boudé à sa sortie par la critique professionnelle, notamment anglaise (le film fut tourné à Londres), il s’avère être un des chefs...

le 7 avr. 2019

37 j'aime

14

Du même critique

Les Rêveries du promeneur solitaire
Mariondg
3

Critique de Les Rêveries du promeneur solitaire par Mariondg

Rousseau fait parti des grands classiques à lire. Qu'on en cherche pas dans ce livre la justification. Qu'est ce que j'attendais d'un livre intitulé : Les rêveries du promeneur solitaire ? Des...

le 15 févr. 2011

12 j'aime

9

Indignez-vous !
Mariondg
6

Critique de Indignez-vous ! par Mariondg

Si c'est de la redite, au moins c'est bien écrit. Et puis certaines redites sont utiles à lire (est-ce qu'à force d'entendre "dis bonjour, dis merci" vos parents ont réussi à vous mettre ces deux...

le 21 févr. 2011

3 j'aime

Lettres persanes
Mariondg
5

Critique de Lettres persanes par Mariondg

Ca commence très bien, c'est drôle, c'est critique, on voit où Montesquieu veut en venir et puis ... quel style ! Et puis ça se complique, certaines phrases sont incompréhensibles. Ça critique...

le 14 févr. 2011

3 j'aime