La question de savoir si le film supportait bien le poids des années a donc été vite répondue : carrément que oui ! Redécouvert 20 ans plus tard, à l'occasion de sa ressortie ciné qui lui rend tout-à-fait hommage, Matrix conserve toute l'ampleur qui avait marqué son époque. Synthèse de nombreux courants culturels, le film développe son univers cyberpunk teinté de rétrofuturisme dickien en empruntant à la spiritualité messianique, ratiboise les incontournables de la littérature anglosaxonne (Alice et Oz bien sûr), se fait le creuset du conspirationnisme moderne et envoie du jamais vu jusqu'alors dans le ciné occidental en matière de baston martial (Yuen Woo-Ping rulz !).
Et si les effets spéciaux, indissociables du film car révolutionnaires en leur temps, ne souffrent pas trop de leur âge, c'est bien la preuve que Matrix bénéficie surtout d'une réalisation solide, lisible, bien photographiée et bien montée, avec une gestion maitrisée du rythme qui s'autorise de prendre prendre tout son temps pour expliquer l'univers sans jamais que cela devienne ennuyeux (le genre de prise de risque qu'on ne voit plus trop). Faut dire que les Wachowski ont su se montrer ambitieux (ah, ce réveil dans la cuve et la découverte des tours de production bio-énergétique !) et s'entourer d'un casting costaud (Hugo Weaving chie la classe) pour enquiller les répliques et les plans cultes, tellement repompés par la suite. Le film fourmille d'éléments visuels intéressants tels que les nombreux jeux de miroir et de reflets, et s'accompagne d'un score lourd de son époque. Un classique, quoi.
Reste en suspens la question de la vie des IA en dehors de la matrice, surtout après le discours critique de l'agent Smith sur la viralité humaine écocidaire (des propos qui sonnent toujours actuels) alors qu'il aspire à d'autres fonctions que gardien de taule virtuelle : quelles perspectives professionnelles peut-il bien avoir ? Imagine-t-il prendre des congés bien mérités sur un serveur balnéaire ? Va-t-il s'installer dans une exploitation d'humains bios comme l'a proposé un spectateur ? Vivement la suite (ah non merde, c'est vrai, y'en a même eu 2...).