Spike Jonze a toujours su m'apporter ce dont j'avais besoin au bon moment. Des vidéos perchées dans le monde du skate durant mon adolescence où Tony Hawk et Bam Margera étaient mes héros, des expériences filmiques à la Being John Malkovich à la découverte de ma cinéphilie et aujourd'hui ceci, Max et les maximonstres. J'ai mis beaucoup de temps à le regarder (7 ans après sa sortie) car je dois avouer qu'il ne m'attirait pas trop. Malgré ce qu'on m'en disait, je m'attendais surtout à un film d'aventures pour enfants devant lequel moi adulte, je me ferais royalement ch*er. Mais finalement tant mieux car je l'ai probablement vu au moment le plus opportun de ma vie, celui où je commence sérieusement à... vieillir. Alors non j'ai pas encore 30 ans mais j'en ai plus 20 non plus, encore moins 10 et je m'en rends compte avec ce film.


J'ai été un peu déstabilisé de voir à quel point l'enfance de Max ressemble à ce que fut la mienne (enfant perdu, solitaire, débordant d'imagination et souffrant de l'absence d'une figure paternelle). Oui, je raconte ma life... Le monde des adultes n'est pas beau, il est tout triste et souvent incompréhensible aux yeux des enfants c'est pourquoi ils se réfugient bien souvent dans leur univers où ils sont les rois et où tout se passe bien. Dans le genre, angoisses et doutes d'enfants prenant l'apparence d'éléments fantastiques à l'écran, il est à rapprocher du Labyrinthe de Pan et du Secret de Terabithia. Mais voilà le problème c'est que Max grandit et qu'il a bien conscience des problèmes qui l'entourent dans sa vraie vie et cela se répercute dans les histoires qu'il s'imagine. Il n'aura pas affaire à de gentilles créatures de contes de fées mais à des monstres, les mêmes qui vivaient sous votre lit et dans votre placard (dédicace à Mr. Babadook).


Parlons de ces monstres nés à la Jim Henson Company qui sont à la fois tout mignon et effrayant. J'apprécie qu'en dehors des expressions faciales, Jonze n'ait pas eu trop recours au numérique, ce qui rajoute du charme au film qui en plus a le mérite d'avoir été tourné en partie en décors naturels. Certains plans sur le paysage sont magnifiques et confère un style contemplatif au film ce qui est raccord avec l'errance du personnage principal. D'ailleurs techniquement, le film est très bon, la mise en scène est propre et donne vie à un bel univers. La photographie de Lance Acord est très belle. Les acteurs sont très bons aussi, que ce soit les voix des monstres (James Gandolfini, Catherine O'Hara, Forest Whitaker ou encore Paul Dano, excusez du peu !), Catherine Keener dans le rôle de la mère ou bien sûr le jeune Max Records (il porte bien son nom celui-là) qui m'a vraiment ému dans son rôle extrêmement attachant.


Après une excellente scène d'introduction qui met bien en place son sujet, Max arrive dans un monde pas vraiment merveilleux. Les monstres sont des adultes déprimés (comme tous les adultes) qui ne savent plus s'amuser et sont rongés par la peur, la colère, le désespoir et cette terrible mélancolie. Where the Wild Things Are c'est là, dans le monde des adultes. Max sent que le danger reste présent à chaque instant et qu'ils n'hésiteront pas à le manger. Tout cela est fortement symbolique comme la scène où


Max se cache dans le ventre de K.W, la figure maternelle (je vous fais pas de dessin, vous avez saisi l'idée). Il y a aussi une très belle évolution du personnage de Max au moment où il dit à Carol : "You're out of control", la même phrase que lui avait dit sa mère en colère contre lui. Max franchit un cap, grandit et comprend sa mère qu'il ne tardera donc pas à aller retrouver. Il quitte le monde de l'enfance.


Beaucoup d'autres scènes sont analysables dans le même genre.


C'est bien que j'ai attendu ce stade de maturité dans ma vie pour voir ce film car je n'aurais peut-être pas eu assez de recul avant pour l'apprécier. Le film s'adresse d'ailleurs clairement aux adultes, il est même assez malsain pour un public trop jeune. Jonze a bien été clair sur le fait qu'il ne voulait pas faire un film pour les enfants mais un film sur l'enfance, ce qui est très différent. Il ne plaira bien sûr pas à tout le monde car c'est surtout une question de sensibilité au sujet, tout est basé sur l'émotionnel. Personnellement, j'ai rarement ressenti autant de mélancolie devant un film (peut-être Lost in Translation de Sofia Coppola, comme par hasard ex-femme de Spike Jonze !). Là où le film est déprimant c'est qu'il nous rappelle que l'enfance n'est pas un paradis perdu comme on aimerait le croire. C'est une période tout aussi difficile, voire plus que l'âge adulte car les enfants sont confrontés aux mêmes problèmes que nous alors qu'ils ne les comprennent même pas et ne sont pas capables de relativiser (bien que les choses changent, cette nouvelle génération d'enfants connectés est moins naïve que l'a été la nôtre et la facilité d'accès aux divertissement média bride leur imagination). Aujourd'hui après avoir été comme le petit Max, je suis devenu un adulte endurci et ce film a réussi à me rendre mou à nouveau le temps d'un instant. Ça fait du bien ! Un conte sombre, beau, dur, sincère, sans niaiseries. Je ne le conseille pas à ceux qui ont gardé leur âme d'enfant mais bien à ceux qui l'ont perdu.


Merci Spike une fois de plus.



L'enfance est pleine de désillusions. (C'est Bill Watterson, le papa
de Calvin et Hobbes qui le dit !)


BigMacGuffin
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le 25 févr. 2016

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