Max et les Maximonstres par Mickaël Barbato

Adapté d'un grand classique des livres pour enfants (et pour les grands aussi, d'ailleurs), Max et les Maximonstres avait tout d'un projet super casse-gueule, même pour un réalisateur aussi doué que Spike Jonze. Il faut dire que l'histoire, et surtout son fond, bien loin des mièvreries adressées aux gamins à la télé et en librairie (coucou Charlotte aux fraises etc), n'était pas d'une facilité déconcertante à adapter en scénario. Mission réussie ?

Max est un enfant de neuf ans, joueur, débordant d'énergie et d'imagination. Malheureusement, il ne se sent pas l'objet d'une attention suffisante de la part de sa mère et de sa soeur, ce qui le pousse, un soir, à se comporter bien mal. Après avoir pris la fuite sur une petite embarcation, il échoue sur une île inconnue peuplée d'animaux poilus, étranges et dotés de parole. Un parcours initiatique débute alors, non sans dangers...

Tout se suite, on est rassuré sur un point : ce film n'a pas été mis en chantier pour répondre à une demande de films fantasy dans la veine des Narnia, Spiderwick et consorts. La situation familiale de Max est clairement et intelligemment exposé, les relations difficiles bien exprimées, l'aventure de Max légitimée. Une construction efficace, sans temps morts, notamment grâce à une interprétation et une mise en scène assez bluffante. La mère de famille (Keener, une habitué du réalisateur) est particulièrement convaincante, la soeur peu présente mais efficacement mise en valeur dans ce qu'elle a à dégager. Tout autour de Max semble dans l'incompréhension, comme pris de vitesse par un esprit vif et fertile.

Alors, on se dit que Jonze ne peut pas tomber dans le piège suivant, les Maximonstres. Tomber dans le spectacle à tout va, dicté par une attente du public pour les CGI bien grasses et dégoulinantes. Que ce public soit prévenu : ils en seront à leurs frais. Car ici, on fait dans l'intimiste, on fait dans le plan et la mise en scène pensés avant tout pour l'émotion, et non l'effet "wouah" débile qui n'aurait pas eu lieu d'être dans une histoire aussi sombre. Déjà, le choix des marionnettes rassure : elles sont d'une crédibilité sidérantes, et surtout bien cadrées. La profondeur des bestioles est respectée, chacune personnifie une facette de la personnalité de Max ou de celle des personnes qui l'entourent. Au point que chacune devient immédiatement identifiable, pas de soucis de personnages laissés de côté, un grand équilibre donné par une écriture d'une grande qualité.

On pourrait passer énormément de temps à décortiquer cette histoire. Laquelle rappelle, par bien des aspects, les côtés les plus cruels des contes des Grimm. Ceux qui marquent le plus durablement le conscient des enfants, mais surtout leur inconscient. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, se jeter sur "Psychanalyse des contes de fées". Pour les adultes, il faut se préparer à un moment difficile, un moment de remise en question. Car le film est d'une clairvoyance sur nos relations à l'enfant qui ne prend aucune pincettes. Et, même si le final est d'une sensibilité à faire pleurer un rocher, il risque de faire poser la question "ai-je bien fait de montrer ça à mon enfant ?". La réponse est, bien entendu affirmative, plutôt deux fois qu'une, et la question est aussi un début d'indice sur ce qu'il faut changer. Là, tout de suite.
Bavaria
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le 21 mai 2011

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