Si des faiblesses et des maladresses notables régnaient dans le précédent mashup de ses courts-métrages qu’est « Hostile », ce dernier ne manquait pas d’idées. Le réalisateur prend donc le contrepied de son premier essai, manquant souvent de rythme et de temps, afin d’acclimater le spectateur à ses ruptures de ton. Mathieu Turi en est donc là, en développant une scène marquante d’Aliens, avec une intrigue née d’un tuyau, né d’un pur survival. En épousant pleinement le concept claustrophobique et donc de huis-clos, les flashbacks ne viendront plus rompre l’élan du récit, qui ne cesse d’avancer. Difficile de ne pas penser à l’œuvre de Vincenzo Natali, qui en a inspiré d’autres, mais ce qu’en fait le cinéaste français promet une partie des plus divertissement et des plus physiques.


En prenant de la marge sur le raisonnement intellectuel, une femme rampe dans des conduits sur-mesure, sortes de boyaux métalliques où les pièges nous renvoient essentiellement aux jeux vidéo. Il s’agit d’épreuves où le corps et l’esprit seront sollicités, afin d’exorciser un mal qui hante la prisonnière. De ce côté-là, Turi s’attache ardemment à la thématique du deuil, qu’il saupoudre avec peu de subtilités. L’ouverture, qui témoigne de la souffrance de Lisa, interprétée par une rigoureuse Gaia Weiss, est perverse. Quand bien même on nous offre une première partie immersive des plus efficaces et qui ne manque pas de couper le souffle, la courte exposition se transforme en une justification douteuse, où la souricière ferait presque office d’un enjeu secondaire. On rappelle que c’est le corps qui sera mis à mal, mais dans cette fragilité, il est possible de cicatriser plus vite qu’on ne le pense et c’est ce qui élève l’héroïne dans sa lutte, qui doit l’emmener jusqu’au bout du purgatoire.


L’intrigue ne garantit donc pas d’échappatoires, mais tiendra au moins la promesse de satisfaire les désirs d’un réalisateur qui ne recule pas face à autant d’adversité, même s’il laisse passer quelques incohérences, tantôt furtives, tantôt frontales. On ne la distingue pas toujours, mais cette générosité est présente, car restreinte par un budget, finalement maîtrisé pour son message simpliste et libérateur. Lisa s’engouffre dans sa propre psyché, où elle devra trouver assez d’oxygène et de courage pour que les nombreux détours qu’elle emprunte aient du sens. Malheureusement, une partie d’entre eux tient plus d’une volonté de brassage, consistant à superposer le plus de références et de codes dans le même espace confiné, où la jeune femme évolue en deux étapes. La première ne serait que du repérage, soulignant l’hésitation et les contradictions d’une Lisa au bord du sommeil éternel. La seconde se revendique psychologique et empoigne toute la vitalité qui lui reste dans un climax qui se tord un peu trop dans un mélodrame convenu, mais dont l’épilogue reste assez audacieux.


« Méandre » s’inscrit finalement dans une série B, qui jongle entre l’effort physique et une symbolique embryonnaire dans laquelle Turi mise sur le double tranchant de héros, qui se condamnent d’avance pour leurs erreurs passées. D’une certaine façon, oui, deux temporalités se répondent, mais continuer de le prendre au premier degré ampute une part de sincérité pour un cinéaste qui a conscience des limites qu’il impose. L’horreur a toujours plusieurs visages que l’on cultive en soi et c’est avant tout le combat intérieur de l’héroïne qui nous intéresse ici, à l’endroit même où il est possible de se souvenir, de rêver et de cauchemarder.

Cinememories
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le 26 mai 2021

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