On peut voir Meatball Machine comme un énième film japonais au gore grand-guignolesque à la Tokyo Gore Police, mais il me semble qu'ici il y a un second niveau de lecture qui le démarque du tout-venant de ce type de production (il y aura du spoil, mais pas sûr que ça gâche le film à qui que ce soit).


Dès le début, le décor est planté. Machines qui tournent en gros plan, usines fumantes, eau polluée : tout est fait pour nous décrire une société industrielle où l'homme a de moins en moins sa place. A tel point que le héros principal, voyant un morceau d'alien flotter sur l'eau, ne s'en inquiète pas plus que ça. Quelle différence entre cet alien dégoûtant et les rejets des usines ?


Car Meatball Machine nous parle de l'exploitation de l'homme sous plusieurs formes. La première, c'est celle du capitalisme, traité directement pas la vie du héros principal. Aliéné par son travail à l'usine, opprimé par la pression hiérarchique d'un patron lui reprochant sa cadence de travail trop lente, il n'arrive pas à s'épanouir et mène une vie sexuelle qui se limite aux cinémas pornos.


La seconde forme d'exploitation est celle de la femme par l'homme. Sachiko, violée et mutilée par son père quand elle était enfant, se trouve prisonnière du regard des hommes : du personnage du prolétaire patriarcal (appelons le comme ça...), qui voudra la violer, et de celui du personnage principal, qui est incapable de la toucher à cause de son dégoût pour ses cicatrices. D'un pessimisme absolu, la seule forme de libération qu'elle pourra trouver sera dans sa mort.


Enfin, la dernière forme d'exploitation est celle des aliens. En les faisant fusionner en homme/machine (évidemment Tetsuo n'est pas loin) pour s'en servir dans des combats de coqs, ils exploitent l'homme dans un but de divertissement, jusqu'à ne plus lui laisser de libre arbitre. Là, toutes les interprétations sont possibles, mais ça me semble proche de toutes les formes d'exploitations télévisuelles modernes : télé-réalité et autres reportages de "vraie vie", où l'homme est réduit à un objet de consommation et où sa liberté est exclue.


Le problème, c'est que derrière toutes ces idées intéressantes, le film n'a pas grand chose pour lui. Entre une mise en scène à la volée (pour ne pas dire "à l'arrache") qui accumule les poncifs formels des séries B (caméra tremblante pour insuffler du rythme, travellings excessifs et inutiles etc...), des effets gores qui oscillent entre des franches réussites et du grand-guignol abrutissant, des effets-spéciaux numériques dont on se serait franchement passé et une photographie très inégale, on peine à trouver une articulation satisfaisante entre les idées sous-jacentes et la forme du film.


Et c'est dommage, car Meatball Machine est clairement plombé par sa réalisation sans grande originalité. Une preuve de plus qu'avoir des idées mais ne pas savoir les mettre en oeuvre peut s'avérer fatal.


PS : si le cinéma japonais vous intéresse, n'hésitez pas à venir piocher dans ma liste : https://www.senscritique.com/liste/Les_oublies_du_cinema_japonais/1704611

Subversion
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2017 : Les films que j'ai vus

Créée

le 17 sept. 2017

Critique lue 308 fois

1 j'aime

Subversion

Écrit par

Critique lue 308 fois

1

D'autres avis sur Meatball Machine

Meatball Machine
Zogarok
6

Critique de Meatball Machine par Zogarok

Meatball Machine est l’un des V-videos (films de genre japonais ludiques, gores et barrés) les plus fameux. Remake d’une obscure pellicule de Yakamoto, il est signé Yudai Yamagushi, lequel s’est...

le 5 sept. 2016

3 j'aime

3

Meatball Machine
SimplySmackkk
7

Monster Romeo vs Monster Juliette

Yoji travaille à l'usine. Jeune homme effacé, il s’évade en observant au loin Sachiko qui travaille pour l'usine voisine. Les deux vont se rencontrer, et quand ils arrivent à dépasser leur timidité,...

le 13 juin 2019

2 j'aime

Meatball Machine
TK-475
5

Force Rouge.... Transmutation !!

Punaise, c'est ultra référencé (De Tetsuo à Evil Dead), mais bon sang, qu'est ce que c'est fun... J'ai eu l'impression de voir un Sentai gore... Bon, on est du côté des superméchants genre C-Rex ou...

le 5 nov. 2012

2 j'aime

Du même critique

Les Funérailles des roses
Subversion
8

Ambivalence

Puisqu'au Japon les années 70 étaient le terreau fertile à un cinéma transgressif exposant les tabous de la société japonaise au grand jour, il était logique que la communauté des homosexuels et...

le 9 déc. 2017

18 j'aime

2

Pale Rider, le cavalier solitaire
Subversion
4

Clint Eastwood, par Clint Eastwood

Permettez-moi d'être dubitatif sur le statut de ce film. Considéré souvent comme un des grands westerns des années 80, Pale Rider ne me semble pas du tout mériter sa réputation. Le fameux personnage...

le 27 août 2017

17 j'aime

4

Histoire de fantômes japonais
Subversion
8

Horreur sublime

Dès le générique d'ouverture et son magnifique plan-séquence, on comprend que Histoire de fantôme japonais est bien plus qu'un film d'exploitation destiné à faire frissonner les spectateurs nippons...

le 21 août 2017

14 j'aime

1