A ceux qui font tellement plus que soigner. Ceux qui, non contents d'être des esprits brillants, des intelligences vives qui comprennent la grande machinerie du corps humain, savent que c'est avant tout au cœur qu'il faut s'adresser. A ces médecins qui ont intégré qu'une oreille attentive, une sensibilité compréhensive, valent tous les antidépresseurs, guérissent la peur et pansent mieux les plaies que n'importe quel adjuvant chimique.


A l'heure où semble gagner une certaine forme d'insensibilité dans le corps médical, Médecin de campagne est un film qui redonne confiance en ceux qui ont choisi de préserver la vie sans toutefois oublier l'âme et l'esprit de leur vocation.


François Cluzet est-il capable de commettre un mauvais film ? J'en doute fort. Cet acteur caracole pour moi dans le palmarès de mon cœur cinématographique. J'aime sa complexité, sa rudesse qui dissimule mal une douceur évidente, ses sourires francs et ses colères homériques. Ici, son rôle de médecin lui colle à la peau : atteint d'un mal physique qui le ronge, le personnage s'enferme peu à peu dans une forme de refus et repousse toute aide venue de l'extérieur. Refusant cette soudaine vulnérabilité subie à son corps défendant - lui qui a toujours combattu les maux et la mort, et sur qui comptent tant d'autres dans cette province picarde - va devoir accepter de renoncer, de lâcher prise et de déléguer. A la faveur de l'arrivée de Nathalie (très juste et belle Marianne Denicourt), une consœur venue l'épauler contre son gré, le médecin va faire l'apprentissage du détachement, de la douceur et finalement, de l'amour.


Filmé comme un documentaire, caméra à l'épaule et cadre qui tremble légèrement façon Stéphane Brizé, Médecin de campagne offre une œuvre attendrissante et profonde qui interroge autant nos choix de vie que la subtile mécanique des corps qui parfois, se dérègle et dérape, faisant dérailler l'existence et l'horizon. Avec une grâce humble, Thomas Lilti (médecin dans la vie) filme avec compassion soignants et soignés qui défilent dans le cabinet, ou au gré des visites à domicile des médecins, à la ferme ou dans un camp de gitans.


Cluzet éblouit une nouvelle fois par sa pudeur et sa justesse, par son humour aussi, il colore ce film de toute la palette de ses pudeurs avec une élégance incroyable. Et que de jolis moments de mise en scène, ceux qui déploient dans une même image, les rayons de la chimiothérapie, le regard de cette femme possible, les hésitations du médecin qui lutte contre sa pente sensible... Tout cela m'a émue, charmée et éblouie dans un même mouvement.


Malgré certaines minutes d'ennui léger, il est deux scènes qui rattraperaient tout le film, eût-il été un naufrage - ce n'est évidemment pas le cas - et qui interviennent à la toute fin. La séance de yoga du rire, et ces mains qui se lèvent à l'unisson, avec au centre cet animateur au visage si cocasse de Droopy - un instant si tendre et si humain... Enfin, sans vouloir déflorer cette scène finale tellement bouleversante - qu'accompagne la voix sensuelle, grave et brisée de Nina Simone dans Wild is the wind - il est question d'une voiture qui file sur une route ouverte et lumineuse, de regards qui se comprennent en silence et de sourires qui annoncent le renouveau du printemps.


L'avènement salutaire de l'amour - la meilleure des médecines.

BrunePlatine
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le 5 août 2016

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