Ni le sujet, ni la bande annonce ne m'inspiraient, mais ayant aimé tous les précédents Kechiche - mais les ayant toujours trouvé interminables malgré tout depuis Vénus noire -, j'ai forcé ma nature. Mauvaise idée.


Je dois préciser que je ne suis pas jeune, que le langage des jeunes et ses clichés m'horripile, que je ne vais jamais en boîte et que les scènes de boîtes dans les films m'insupportent par leur caractère convenu, enfin que l'expression "faire la fête" a le don de me filer le bourdon. Autant de sérieux handicaps pour apprécier ce nouvel opus de Kechiche.


Exemple, la première conversation ente Amin et Ophélie, faisant suite à la scène de sexe avec Tony (redisons au passage l'impuissance quasi systématique du cinéma à exprimer la force et la profondeur de l'acte sexuel). Non seulement il ne se dit rien, à tel point que je me suis demandé si la scène avait été dialoguée. Mais ce rien est exprimé avec tous les clichés du langage jeune : "du coup", "c'est cool", etc. Si l'on ajoute à cela le jeu des acteurs qui évoque plus une émission de télé réalité que les films de Renoir ou de Pialat auquel on compare Kechiche, on comprendra mon inquiétude au bout d'un quart d'heure.


Heureusement, le film va offrir quelques belles choses : la première scène de danse avec la radieuse Lou Luttiau ; de superbes images avec le soleil de face, assez poétiques ; l'extrait du film sur les poilus, assez impressionnant ; et bien sûr la scène des agneaux. Ces deux dernières scènes acquièrent d'autant plus d'intensité qu'elles succèdent à tant de marivaudage. Un peu comme, dans Voyage au bout de l'enfer, la longue scène du mariage puis de la chasse entre copains conféraient aux scènes de guerre qui suivent une force décuplée. Sauf qu'ici le marivaudage est assez bas de gamme.


Car, au contraire d'Amin, tout ce beau monde ne semble avoir qu'une idée en tête : s'éclater. C'est d'ailleurs l'injonction que lui lance sa mère, de façon assez ridicule : "tu vas t'amuser hein ? tu me promets ?"... Amin (qui campe une position assez juste, en retrait mais sans snober son entourage), en devient-il plus profond pour autant, par contraste avec son entourage ? Même pas : on ne sait rien de son étoffe d'artiste car il ne développe aucun discours sur ce qu'il veut faire.


Bienvenue, donc, dans un monde où l'on se roule une pelle après 10 mn de conversation sur une plage (Charlotte et Tony) ou, au pire, à la fin de la journée après une danse (Céline et le premier dragueur venu). Dans un monde où les dragueurs à la petite semaine (Tony) ont toutes les filles à leurs pieds. Dans un monde où les filles sont tellement libérées qu'elle réalisent en boîte des numéros dignes de stripteaseuses (Ophélie et sa barre verticale). Dans un monde obsédé par le sexe, où l'on se borne à des qualificatifs tels que "frigide" ou "bonne". Dans un monde tellement effrayant à mes yeux que les scènes de la bergerie me donnent l'impression d'une authenticité formidable (ah, enfin on est dans le "vrai").


Préparez-vous à des dialogues d'un niveau affligeant, à un scénario sans acmé et, cerise sur le gâteau, à une scène finale de boîte de nuit absolument interminable.


30 minutes de moments de grâce pour 2h30 de platitudes. Le Canto dos, ce sera sans moi.

Jduvi
6
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le 23 mars 2018

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Jduvi

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