Lars Von Trier est un artiste. Après ses affres et l'éviction du festival de Cannes qui s'en est suivi, le temps était venu de se recentrer sur son cinéma.

Complétement occulté par les foudres de la presse après le point Godwin de la conférence de presse, Melancholia aurait presque pu passer inaperçu, d'autant que la bande annonce lui laissait prévoir un destin à la Tree of Life.
Sauf que Lars est un artiste. Aussi tapageur que Terence Malick est discret, certes, mais il reste un faiseur de film hors-pair.

Ainsi, son dernier métrage, s'il met en scène habilement les dernières heures sur terre de deux soeurs (le film est découpé en deux parties, chacune axée sur l'une des deux femmes), ne se contente pas de pratiquer une étude de moeurs sordide et désespérée comme il peut avoir habitué les spectateurs à le faire.

L'histoire commence de manière tout ce qu'il y a de plus banale par un mariage chez les riches, dans un domaine époustouflant de beauté, et, chose digne d'être soulignée, s'ouvre sur une scène comique à travers laquelle une limousine se retrouve coincée dans le chemin trop étroit et tortueux menant à la propriété qui abrite les festivités (Lars, comme tout artiste, a de l'humour, en témoigne Le direktor).
Bien vite, et de toute évidence, la vie et ses turpitudes vont reprendre le dessus.

Ainsi devront s'entrechoquer les tensions familiales, l'apparent trouble psychologique de Justine (Kirsten Dunst, archétype de la vraie actrice hollywoodienne au sens où elle sait à peu près tout jouer), les frayeurs de plus en plus grandes de sa soeur très rationnelle (Charlotte Gainsbourg, archétype de la vraie actrice française au sens où elle commence à peu près à savoir jouer), ainsi que les réactions erratiques du climat, des personnages secondaires ou encore des animaux à cause de l'approche de cette étrange planète, Melancholia, près de la Terre.

Autant passer rapidement sur l'enrobage esthétique du film : c'est une réussite sur toute la ligne, alternance de plans nerveux caméra à l'épaule et gros plans sans concession avec d'immenses plans larges au charme baroque et à l'image superbe. Mention spéciale pour l'introduction, assez incroyable.

Ce qui frappe le plus dans le film de Lars, cet artiste, c'est la diversité des thèmes abordés, et avec quel justesse il les aborde.
Cinéaste dépressif et racoleur, Lars sait aussi être humaniste, et charme par son penchant toujours très présent pour les personnages féminins, qu'il dépeint avec tendresse, consistance et subtilité. N'en déplaise au pisse-copie du Monde.fr qui n'a du voir que Breaking the waves, les femmes ne sont pas des "sorcières" chez Lars, mais des êtres au contraire incomparablement terrestres, pragmatiques et complexes.
A côté de ça, les mecs paraissent d'insipides crétins, pétris de gentillesse (le marié), avides et grossiers (le patron de Justine) ou simplement lâches (l'époux de Claire), et semblent incarner les côtés sombres dont l'humanité pourrait bien se débarrasser.
Car même s'il ne fait pas grand cas de la survie de l'espèce, Lars, comme tout artiste qui se respecte, fait se confronter aux derniers instants du monde ses deux muses, accompagnées d'un gosse, quand même, qui lui vaut -1 sur la note, d'ailleurs, parce qu'il aurait pu prendre moins gros comme ficelle.
Le danger était de tomber dans le symbolisme à tous azimuts, Lars n'a pêché qu'une fois.

Un vrai artiste.
T_wallace
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le 29 août 2011

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T_wallace

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