Lars Von Trier continue de soigner sa dépression sur grand écran. Après Antichrist il revient avec un film qui présente de nombreux points communs : (superbe) prologue au ralenti sur musique envoutante, atmosphère de fin du monde et construction en deux parties. Même si dans ce dernier, les deux moitiés étaient séparées malgré elles par l'irruption d'un renard qui parle (!) annonçant que « le chaos règne » qui a eu le don de me sortir du film : jusque là ambitieux et souvent brillant, il bascula alors dans le glauque et le grotesque. Si les psys faisaient des films, ils ressembleraient probablement à Antichrist. Chacun son métier.

Ici, pas besoin de renard pour comprendre que le chaos règne : la disparition de la Terre nous est montrée dès le fameux prologue. La séparation en deux est aussi explicite, un chapitre portant le nom de chacune des deux sœurs, « héroïnes » du film : Justine (Kirsten Dunst) et Claire (Charlotte Gainsbourg). La blonde et la brune, différentes sur à peu près tous les points, se rejoignent sur un point : elles sont ravagées par la mélancolie.

Pour la première, c'est au sens propre : faisant toujours la gueule et incapable d'être heureuse même le jour de son mariage, au grand dam de son entourage. Après une arrivée en limousine dont le rayon de braquage s'accommode mal de l'étroitesse du chemin menant au lieu de la cérémonie (je vous laisse le soin d'y voir une métaphore), elle va cristalliser les rancœurs de tout son entourage, qui va se livrer à un « joyeux » règlement de comptes. On pense beaucoup à Festen de Thomas Vinterberg, cosignataire du Dogme avec Lars Von Trier il y a une dizaine d'années.

La deuxième est angoissée par le rapprochement d'une planète répondant au doux nom de Melancholia (après Klapisch qui appelle son ouvrière France dans son dernier opus, où vont-ils chercher tout ça ?) et qui risque de rentrer en collision avec la Terre. Elle va perdre progressivement les pédales, prise de panique alors que sa sœur dépressive, qui considère n'avoir rien à perdre, attend la fin du monde avec sérénité et semble même la désirer.

Une part autobiographique pour le réalisateur danois, qui n'a pu contenir un penchant pour l'autodestruction lors de la présentation du film à Cannes en se faisant expulser (du quasi jamais-vu) pour blague douteuse à base de nazi. Parions qu'il y reviendra un jour, son talent formel aidant (la photo est magnifique, on dirait du Crewdson) et sa direction d'acteurs reconnue. Au milieu d'un casting de classe (John Hurt, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, Stellan Skarsgard...), Kirsten Dunst a en effet remporté la palme de l'interprétation féminine, un classique pour une actrice d'un film de Lars le fou après les prix remportés par Charlotte Gainsbourg et Björk. Va-t-elle aussi se mettre à chanter ?
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le 19 août 2011

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