Même la pluie par T_wallace
Même la pluie est un de ces films dont la lecture du pitch peut fausser l'interprétation. Méfiance, donc, car le scénario est beaucoup moins stéréotypé qu'il n'y paraît, et se référer aux seuls résumés de la presse spécialisée pourrait donner une idée biaisée de la qualité de ce métrage.
Ici, les européens, venus tourner une fiction sur Colomb, ses prêtres pacifistes et les exactions commises à l'époque à l'encontre des Indiens en Bolivie, n'arrêtent pas le tournage de leur film pour aider les populations locales. La production ne débloque pas de fonds pour les aider à construire un autre puits. On n'est pas à Hollywood, quoi...
L'idée, certes quelque peu convenue, de mettre en parallèle les rushes du tournage du film de Sebastian (Gael Garcia Bernal, encore une fois mettant en péril toute homme qui a fait l'erreur d'inviter une fille au cinéma) et la lutte des natifs boliviens aux prises avec une multinationale de l'eau, est utilisée avec le bon équilibre. S'arrêtant à la moitié du film environ, le procédé donne lieu à une escalade non pas de l'indignation (on n'est toujours pas à Hollywood), mais de sentiments plus complexes, plus contradictoires.
Attisés par la grogne des paysans contre les méchantes multinationales, de leur soutien par l'armée et les politiciens corrompus (représentés à travers une séquence d'une grande sobriété), les inquiétudes du début se muent rapidement en une adhésion assez franche aux choix du scénariste et du réalisateur : peu d'effets de manche, pas de comportements stéréotypés de la part des personnages, pas ou peu de violons larmoyants tire-larmes, l'ensemble étant enrobé dans un environnement visuel plutôt simple et dépouillé.
De la lutte dans la "vraie vie", on ne verra quasiment rien. A peine des reportages télé ou radios vu et écoutés par les protagonistes européens serviront à faire prendre conscience au spectateur du tragique de la situation. Des émeutes, on ne verra que des barricades surmontées par des paysans armés de barres à mines et de bâtons. Un combat au centre-ville, la caméra s'arrête derrière les personnages, les plans s'enchaînent sans donner mal au crâne. Puis le climat s'apaise, alors qu'on ne s'y attend plus.
C'est clair, on n'est pas à Hollywood, là. Le sujet est traité avec justesse et semble voué à faire des petits en ces temps d'inquiétude pour les ressources naturelles et leur contrôle.
A voir, donc, parce qu'au delà du message politique délivré, c'est un vrai bon film de cinéma.