Une œuvre que je n'ai pas dans la peau

Voici donc le deuxième film de Christopher Nolan et l'avant-dernier qu'il me restait à voir de sa filmographie. Je dois avouer que maintenant, je commence à être rodé quand il s'agit de critiquer ses films et force est de constater que son cinéma a très peu évoluer, en tout cas dans sa manière de traiter les films. Il s'est bien sûr formaté à Hollywood avec notamment "Insomnia", le troisième film de sa cinématographie et son premier contrat chez Warner, la trilogie "Batman" et "Le Prestige" qui ont pavé la voie pour son cinéma moderne, autrement dit "Inception", "Interstellar", "Dunkerque" ou même "Tenet" et parfois pas pour le meilleur. Memento marque la première grosse production de Nolan avec deux acteurs qui ne sont pas moindres puisque Carrie-Anne Moss avait notamment connu le succès de "Matrix" l'année précédente et Guy Pearce quant à lui avait déjà plusieurs grosses productions américaines à son actif. Il est également fou de voir le nombre de récompenses incalculables que ce film a obtenu, bien que ce ne soit pas forcément injustifié. Mais que vaut réellement Memento ?


Ce serait un comble qu'une œuvre sur l'amnésie partielle soit oubliable et elle l'est en partie puisque ce film est avant tout en demi-teinte. La réalisation de ce film est vraiment son point fort bien qu'elle manque cruellement de plans marquant. Ce film est un vrai exercice de style pour Nolan. Il y développe notamment sa fascination autour du travail du temps en utilisant l'amnésie comme prétexte derrière la réalisation. Dans "Dunkerque" ça ne fonctionnait pas, mais ici ça fonctionne tout à fait. Nolan nous délivre un film comme si le spectateur était l'amnésique, en commençant par la fin et en nous délivrant l'histoire par bribes de souvenirs de manière désordonnée. Le choix de délivrer les souvenirs de manière désordonnée, offre à Nolan une occasion de jouer avec le temps et un moyen de faire durer le suspens pour son scénario qui représente la véritable faiblesse du film, faiblesse sur laquelle je reviendrait en deuxième partie de ma critique. Maintenant, j'ai deux réserves à émettre quant à la réalisation.
La première, je l'ai mentionné brièvement, c'est qu'elle ne contient rien de mémorable. Le montage sert à la réalisation, mais la réalisation n'apporte pas grand chose au montage. D'ailleurs je n'ai pas trop compris pourquoi le film à des moments passe en noir et blanc et d'autres en couleur sachant que tout se déroule dans le temps du passé. Ma meilleure supposition serait que les scènes en noir et blanc marquent le passé du passé, comme un moyen de repérer ce qui précède tout ce qu'on nous montre, mais je trouve que c'est prendre le spectateur pour un idiot et pas vraiment nécessaire.
La deuxième réserve que j'émets, c'est qu'elle n'est pas assez visuelle. Un peu comme mon argument précédent, je trouve qu'elle assiste trop le spectateur en plaçant le protagoniste en narrateur que ce soit au travers de ses pensées ou de sa discussion téléphonique. Le film nous plaçant dans la peau du personnage aurait selon moi gagner à nous faire comprendre plus de choses en nous les montrant plutôt qu'en nous les disant, mais ce point-là reste une préférence personnelle et la réalisation reste réellement le point fort de ce film.


Maintenant qu'en est-il du scénario, comme indiqué précédemment étant la faiblesse de ce film. Le postulat de celui-ci est assez simple, il a pour but de faire douter le protagoniste et le spectateur de tout le monde pour au final montrer que le personnage est abusé par tout le monde et par lui-même. En soit c'est intelligent mais ça paraît plus être pensé pour la réalisation et le scénario en lui-même nous laisse sur notre faim. En effet, l'histoire n'a pas réellement d'intérêt puisqu'elle nous laisse là où elle a commencé. Elle est en somme tout à fait oubliable si ce n'est que pour le moment où l'on comprends qu'il ne faut pas non plus faire confiance au protagoniste puisque lorsqu'il note ce dont il doit se souvenir, il omet consciemment ou inconsciemment les détails dont il ne veut pas se souvenir et fini par se manipuler lui-même et par la même occasion le spectateur. À part ça, on ne comprend à aucun moment les motivations derrière les gens qui le manipule. Alors vous allez me dire que ce n'est pas le but et je le conçois, mais du coup ça rends le film quand même très limite en terme de matière et de scénario qui remplit certes son contrat, mais qui manque tout de même de substance pour constituer un vraiment bon film.


Pour conclure cette critique, on a donc un film très inégal qui reste bon et un des meilleurs de Nolan, mais qui fait plus office d'exercice de style concluant que de réel film aboutit. Tout est fait et pensé pour aider à la réalisation que ce soit le montage ou le scénario, mais à côté de ça le scénario en pâtit et est sauvé par ce twist final qui se base en soit sur une évidence. La réalisation, quant à elle, est très correcte et bien pensée, mais elle n'est pas marquante de par son manque d'initiative et d'originalité outre le montage.

sAde_
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le 28 oct. 2020

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