Memories of Murder sort en 2003, un polar dramatique sud coréen et grand prix au festival du film policier de Cognac en 2004. L'histoire est inspirée de faits réels, se déroulant de 1986 à 1991, période durant laquelle, un tueur en série viola et assassina dix femmes de tout âges.


Doo-man Park (Song Kong-Ho) est un policier rustre, aux méthodes musclées et aux mœurs légères. Son acolyte Cho Yong-koo (Kim Roe-Ha), use tout autant de la violence, tout en abusant de l'alcool. Un duo de pieds nickelés, démontrant leurs limites face à ce tueur en série. Tae-yoon Seo (Kim Sang-Kyung), un policier de la ville, va venir leur apporter son aide. Leurs méthodes sont radicalement opposées, tout comme leurs mentalités. Ils vont pourtant devoir faire équipe, pour attraper ce mystérieux tueur.


Second film de Boon Joon-Ho, il est à ce jour son chef d'oeuvre, tant il maîtrise son récit du début à la fin, avec une réalisation au rasoir, nous plongeant dans la noirceur d'un fait divers. Il joue avec le spectateur et ses acteurs, sur la trace de ce tueur en série. On navigue de fausses pistes, en faux coupables, mais dans un vrai film policier sombre. Les plans sont d'une telle beauté, en contraste avec les événements. Avec ces ruelles sombres et ces rizières illuminées. De beaux paysages, pour une traque froide et glauque.


Un film qui correspond, à l'émergence d'un cinéma sud-coréen, inventif, aussi bien visuellement, que dans sa narration. A la fin des années 90, il commence à démontrer ses qualités, mais c'est en 2002 avec Sympathy for Mr Vengeance, qu'il se fait connaitre à l'international. On y retrouve Song Kong-Ho dans le rôle principal. Il va devenir la figure de ce nouveau cinéma, en devenant l'acteur fétiche de Park Chan-Wook, Kim Jee-Woon et donc Boon Joon-Ho.


Memories of Murder est un des piliers de ce nouveau souffle. Il ne renouvelle pas le genre policier, mais il lui apporte une fraîcheur et une noirceur, disparues des productions hollywoodiennes et autres. Surtout, il n'hésite pas à mélanger les genres, pour le pire, mais souvent pour le meilleur. L'enquête est en fil rouge, elle est passionnante, mais les personnages le sont tout autant. C'est esthétique, mais il n'est pas poussé à l'extrême, au contraire de ses protagonistes. Les rapports sont violents, les claques fusent rapidement et l'homme est souvent l'élément principal, qu'il soit bon ou mauvais. Ces rapports brutaux, expliquent la violence qui sévit dans les divers films, de Old Boy, en passant par The Chaser, jusqu'à J'ai rencontré le diable, qui flirte avec l'horreur. Dans ces films souvent sombres, il y a pourtant un côté "humoristique", voir burlesque, qui surprend au premier abord, mais séduit rapidement, tant il n'affaiblit pas le récit.


Song Kong-Ho a la carrure et le charisme, pour donner la pleine mesure de son talent, aussi bien physique, qu'humain. Il excelle aussi bien dans le drame, le policier, le fantastique, que la comédie. Un acteur complet, à la bonhomie au premier abord sympathique, mais capable de faire preuve d'une noirceur insoupçonnée. On comprend rapidement son importance dans le cinéma sud coréenne, ou il est à l'affiche de plusieurs des grands films, qui en font sa renommée : JSA, Thirst, Le bon, la brute et le cinglé, The Host, entre autres. Son duo avec Kim Sang-Kyung, renvoie au buddy-movie. Un duo mal assorti et différent, qui va passer au-delà des apparences, pour mener l'enquête. On pense aussi à Seven, avec lequel il rivalise, tout en offrant une variation intéressante du genre.


Le flic des champs et le flic des villes, dans un jeu de piste, ou se mêle le contexte politique de la Corée du sud, ou les personnages sont hystériques, dans un drame policier, mais aussi une comédie noire. Bong Joon-Ho fait aussi preuve d'un réalisme social, au travers des rapports entre ces hommes, ou la femme est souvent maltraitée, ou prostituée, regardant ces mâles s'affrontant constamment, comme pour démontrer leurs rôles de dominants, dans un pays en pleine évolution.


Un film à voir et à revoir, pour sa beauté plastique, ces plans prodigieux, ou même les ralentis ne semblent pas superflus. Un grand film, une oeuvre majeure sud coréenne, indispensable pour tout amoureux du cinéma.

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le 1 mars 2015

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3 j'aime

Laurent Doe

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