Que vois-je?
Le film en a coûté 16 et n’a rapporté qu’un seul petit million de dollars?
Vous êtes sur que c’est un Reitman? Alors ok, il a toujours fait de l’indé, mais quand même. C’est très dur ce que vous lui infligez.


Pourtant, c’est un mec cool.
En plus de ressembler à Edgar Wright, il a une filmographie intacte. Pas de film poubelle-putassier, ni de film de pseudo artiste perdu. Surtout, de la cohérence.
J’aime à penser qu’il traite simplement de la complexité des rapports/sentiments humains en questionnant notre morale à travers des personnages profondément humains et donc, nuancés. L’image qu’il donne sur la société américaine l’est tout autant, et même s’il traite de ses maux, les morales qu’il délivre ne sont pas du tout assommantes puisqu’elles sont le résultat du cas pratique qu’il aura exposé tout au long du film.
Pour ce faire, il utilise des caméras à l’épaule et autres steady cams, appuyant son approche très organique du cinéma, sans aucun mouvement irréalisable par l’homme. Un cinéma très terre à terre, réaliste et accessible, sans être vide de sens ou à l’inverse, poussant l'interprétation à l’extrême. Il se fait plaisir avec des choses simples: un surcadrage, un gros plan sur un détail pour en appuyer le sens, une profondeur de champs, ... Bref. Du propre sans être trop tape à l’oeil.


Quand on a son cinéma en tête, Men, women and children fait cas d’école.
On suit des personnages typiques dans des situations plutôt classiques, ce qui n’enlève rien à l’intérêt du film, et en est même compréhensible: quand on s’adresse à la société, il est logique de prendre des cas qu’elle connait si on veut permettre l’identification.
La première nouveauté est qu’il n’y à pas réellement de personnage principale. Disons plutôt qu’ils le sont tous, sans qu’il y en ai qui se démarquent réellement. De ce fait découle une chose très importante: la présence d’une narratrice. Celle-ci apparaît avec les premières images du film (pendant cette intro marrante entre Woody Allen pour la musique et 2001 pour ses plans de l’espace) en nous rappelant la petitesse de notre existence grâce, entre autre, à la vidéo Blue Pale Dot de Carl Sagan montrant la terre comme minuscule à l’échelle de la galaxie. Le fait qu’elle apparaisse à ce moment, à cet endroit, et qu’elle soit omnisciente et externe appuie ses propos, la désignant comme une sorte d’entité supérieure, quoi qu’elle soit. En effet, en plus de nous donner l’impression qu’on observe en même temps qu’elle un panel représentatif de l’espèce humaine, elle sera là pour nous aider à faire le lien entre les personnages et nous donner des détails sur le passé, la volonté, ou les sentiments d’un personnage.
Autre chose trahissant les pensées intérieures des personnages: l’affichage des conversations virtuelles à l’écran. Pouvant donner lieu à des scènes singulières utilisant à fond ce gimmick (par exemple à des vues comiques comme dans la scène où Allison et sa pote font semblant de s’intéresser à Hannah alors qu’elles sont en train de l’insulter par sms au même moment), ceci permet aussi de ne pas s’ennuyer à couper l’action à chaque message, parce qu’il y en a un certain nombre, et donc de profiter pleinement du langage corporel des personnages.
A partir de là, on peut comprendre le slogan inscrit sur l’affiche assez cool du film: “Discover how little you know about the people you know”.


La musique aérienne et onirique assure le parcours du film avec légèreté, dédramatisant les scènes pouvant être lourde, tout en participant à créer une ambiance générale apaisante, agréable et mélancolique. Une des meilleures bande sons que j’ai vu ces dernières années.
Aussi, dans ce genre de film choral, le montage est la clé de voûte permettant la bonne compréhension des destins croisés qui composent l’histoire. Et ce film ne fait pas exception à la règle, allant même jusqu’à jouer avec celle-ci pendant la scène où le personnage d’Adam Sandler et de sa femme se trompent mutuellement, avec un élégant montage alterné faisant parfois croire à un champs contre champ entre les 2 personnages. Joli moyen de montrer le rapport qui les unit, en les mettant sur un pied d’égalité.
Autre fait appréciable: le fait que le jeu vidéo ne soit présenté comme une drogue de mec en solo sur un PC, mais comme une communauté aidant le personnage de Ansel Elgort à sortir de sa solitude. Alors oui, elle peut être maladroite, sans pincette et vulgaire, mais c’est une des rares fois qu’un film explore l’aspect social de la chose. Et ça fait plaisir. Ça change de la médisance générale des médias.


Après s’être moqué avec humour de l’être humain en juxtaposant son aspect le plus ridicule (Adam Sandler sur Youporn) et l’immensité de l’espace en début de film, la fin quand à elle porte un discours humaniste en nous ramenant à la réalité: Ok, la vie humaine est insignifiante, à grande échelle. Mais à l’échelle de la terre, c’est la seule chose qui importe réellement. La notre, et celle des autres.
Le film finit même par comparer la beauté et la complexité des relations humaines avec celles du cosmos en enchaînant les fondus de façon alterné entre les 2, avec la voix-off concluant le récit, sur fond de musique mélancolique.
Un final simplement magnifique.

Ghettoyaco
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes J'me demande encore pourquoi ils ne sont pas dans mon TOP 10., TOP 100 Films et Les meilleurs films des années 2010

Créée

le 18 sept. 2015

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Ghettoyaco

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