"On nous cache tout, on ne nous dit rien..."

Juillet 1997 : on se fend bien la poire devant "Men In Black", une production Spielberg très imaginative - inspirée quand même d'un comic book de chez Marvel - qui n'est pas encore devenue une franchise. Will Smith est au meilleur de sa forme, irrésistible d'humour, d'élégance et de charme. Tommy Lee Jones crève littéralement l'écran, et va - tardivement - devenir une vraie star populaire. Le scénario de "MIB" est un régal de fantaisie et d'imagination, comme Hollywood semble de moins en moins capable d'en faire. Les dialogues, bourrés de vannes à la fois "pop" et "méta", volent quand même assez haut : on se moque des "people", mais aussi de soi-même (Oui, Spielberg, comme Stallone est un alien ; Elvis aussi, et d'ailleurs il n'est pas mort, il est retourné sur sa planète ! Mais c'est aussi le cas de votre affreuse prof de maths qui vous a torturé au lycée !). Même la technologie - encore triomphante en cette fin de siècle - est source de bons mots ("il va me falloir encore racheter le "double blanc" de Beatles!"). Les effets spéciaux sont encore grossiers, mais vont bien avec l'imagination qui est au pouvoir. A mi-chemin entre "Ghostbusters" en plus réussi et "X-Files" ("la vérité est ailleurs"), "MIB" a tout d'un film-BD dont la mécanique inspirée repose autant sur l'alchimie entre les acteurs que sur un bestiaire hallucinant. Ah, et puis, en prônant l'ouverture des frontières aux migrants (mexicains...), et l'octroi de l'asile politique aux étrangers (extra-terrestres) persécutés dans leur pays, Sonnenfeld et Spielberg défendent les plus belles idées de la démocratie qui triomphe encore sur toute la planète (dans toute la galaxie ?). La dernière scène, très ludique, nous propose même une vertigineuse mise en abyme, quasi philosophique. Très fort !


2020 : que nous reste-t-il de ce "MIB" emblématique d'un cinéma de divertissement qui a fait son temps, remplacé par de lourdes machines de guerre globales visant avant tout une conquête du monde ? Smith et Jones ont vieilli et sont portés disparus. Ni Solomon, le scénariste, ni Sonnenfeld n'ont confirmé les espoirs qu'on pouvait placer sur eux. La franchise "MIB" s'est peu à peu délitée, et son reboot ne convainc personne. Aujourd'hui, les immigrants sont des terroristes potentiels, et le "Double Blanc" s'est définitivement (?) dématérialisé. Mais le pire est que, sur les réseaux sociaux, il y en a sans doute pour professer que Macron est un extra-terrestre hostile et colonisateur, et que nous ne le voyons pas parce que les hommes en noir nous effacent régulièrement la mémoire.


[Critique écrite en 2020, à partir d'éléments datant de 1997 et 2008]

EricDebarnot
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le 5 sept. 2014

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Eric BBYoda

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