Mensonges d'Etat porte sur un beau sujet : comment faire du contre-terrorisme intelligent au Moyen-Orient. Malheureusement il le fait non pas avec l'approche vériste et documentaire d'un Syriana ou du début du Bureau des légendes, mais il passe par le prisme du cinéma. Dommage, car le speech de Crowe au début, sur l'ennemi qui fuit la traçabilité d'internet, est bien amené.


Le film se suit agréablement,mais fait beaucoup trop dans le spectaculaire et le manichéen. Pas sûr que les services secrets jordaniens enlèveraient un gars en envoyant quatre mecs en costard le faire monter dans un 4x4 puis foncer en dérapage jusqu'en plein désert en lui mettant un sac sur la tête. On retrouve aussi le fétichisme de Scott, dans ces années 2000, pour les hélicoptères (mauvaises vibrations de la Chute du faucon noir). Et comme souvent dans ces films d'espionnage, on retrouve de l'observation par drone en temps réel projetée depuis une salle de contrôle à écran géant qui mise tout sur le visuel. Et comme il faut à tout prix être visuel, on trouve ces tenues de joggings ridicules que portent nos espions et qui sont censées nous faire croire qu'ils sont parfaitement fondus dans la foule.


Enfin, le personnage de Roger, entre l'agent infiltré et le mec des forces spéciales capable de nettoyer une bergerie au pistolet-mitrailleur, a quelque chose de faux. Il ne s'agit pas, bien sûr, de dire que les interprètes sont mauvais : Crowe arrive à être détestable avec brio ; Di Caprio, comme toujours, est très plastique ; les seconds rôles sont tout à fait honnêtes.


Au final, on a une représentation du Moyen Orient assez stéréotypée. Pour avoir conduit à Amman, je peux vous dire que les rues y sont bien plus dangereuses et imprévisibles que ce qu'on en voit dans le film, qui de toute façon a dû, j'imagine, être tourné au Maroc ou en Tunisie comme l'essentiel des film sur le Moyen-Orient.


La romance est particulièrement naïve et la représentation du fonctionnement normal de services secrets n'a rien à voir avec ce qu'on en voit. Imaginer qu'un agent de terrain comme celui qu'incarne di Caprio déciderait de n'en faire qu'à sa tête sans subir de représailles, sans discuter des modalités d'opération, et surtout s'enticherait d'une gentille infirmière jordanienne relève de la carte postale, voire de l'orientalisme. Pourtant Scott s'est plusieurs fois confronté au Moyen-Orient dans ses films, mais sans jamais réussir autre chose que de construire quelques personnages jolis, mais stéréotypés (comme celui du chef des renseignements jordaniens).


Et sinon, quel propos tient le film concernant le renseignement ? Au fonds, que rien ne vaut les agents de terrain face à la surveillance informatique, ce qui en soi n'est pas stupide. Cela aurait pu être bien pire, quand on a en mémoire les bouffées bellicistes de Scott dans les années 2000.


Synopsis
Un attentat à Manchester alors qu'une équipe d'intervention allait arrêter les terroristes. Ed Hoffman, officier de la CIA, pilote Roger Ferris, un agent arabophone qui part en Irak, avec un cherpah, Bassam. Nizar, un djihadiste qui se dégonfle, veut changer de camp et montre le visage d'Al-Saleem, "la baleine blanche", chef du réseau terroriste. Son exécution permet de voir en action des membres du groupe. Ils nettoient leur planque et récupèrent des CD en train de brûler.


Etape suivante : Amman, avec une planque de jeunes djihadistes utilisant le takfir : ils boivent de l'alcool etc.. pour tromper la surveillance. Roger collabore avec les services jordaniens. Après des blessures de chiens et de couteaux, il est soigné par une jolie infirmière, Aïcha, avec qui il flirte. La planque d'Amman est éventée par l'intervention d'Ed. Roger est furieux. Il propose un plan tortueux : monter un faux groupe djihadiste concurrent d'Al Saleem pour le forcer à sortir du bois. Il choisit un banquier jordanien, Sadiki. Ils créent un faux attentat et envoient des mails de terroristes bidons sur la boîte de Sadiki pour faire bouger les services saoudiens et Al Qaïda. Sadiki est enlevé, torturé et tué, et Aïcha est enlevée. Paniqué, Roger va voir Hani, le chef des renseignements jordaniens, et lui confie que toute l'affaire était un leurre. Al Qaïda prend contact avec Roger et lui propose de libérer la jeune femme s'il se livre. Trois voitures viennent le voir dans le désert puis se séparent, perdant la filature satellite depuis Langley. Roger a un face-à-face avec Al Saleem. C'est Hani qui le tire de là grâce à un agent infiltré. Robert décide de tout plaquer pour rester au Moyen Orient.

zardoz6704
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le 25 oct. 2020

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