Mes voisins les Yamada
7.1
Mes voisins les Yamada

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (1999)

Après avoir revu la filmographie de Takahata (sauf le Tombeau des Lucioles) et après avoir lu la bd l'an dernier, j'avais envie de revoir le film, que je n'avais pas vu depuis 10 ans au moins, afin de savoir si l'expérience serait plus intéressante avec tout ça en mémoire.


Et effectivement, j'ai une nouvelle fois apprécié le film tout en ayant l'impression de le redécouvrir.



En tant qu'adaptation :



Adapter au cinéma une bd dont le format initial est sous forme de strip de 4 cases est toujours un exercice qui demande de la créativité ce que l'on peut voir dans des adaptations de Peanuts ou dans le pitoyable Garfield, le film. Il y a donc un parti pris de la part d'Isao Takahata qu'il embrasse pleinement : fini les jeux de mots sur la politique et bonjour le prolongement contemplatif.


Si dans la bd originale, les Yamada sont réduits à leur principale dimension comique (la mère faignante, la grand mère râleuse, le père sarcastique, etc...) le film décide de développer un peu plus l'attachement qu'ils ont les uns pour les autres : les gags sont rallongés et certains moments sont même inventés par rapport au média d'origine pour donner certaines tonalités, parfois mignonnes (la famille qui décide d'apporter le parapluie du père au dernier moment) parfois triste (l'amie de la grand-mère qui préfère parler des petits travers de l'hôpital au lieu d'expliquer la raison de son hospitalisation sans doute pour une probable maladie grave.)


Autre fait intéressant, la bd originelle, écrite par une femme, se focalisait plus sur le personnage de la petite Nonoko (son incompétente de maîtresse étant un des personnages récurrent des strips) tandis que lorsque dans son adaptation, c'est plus le père Yamada qui devient le personnage principal. En l'adaptant Takahata, qui avait alors 55 ans et était un père de famille proche de la retraite, a voulu aussi aborder son point de vue sur le sujet.



Faut qu'on arrête avec le Tombeau des Lucioles :



A l'époque où j'avais vu ce film, je ne connaissais de Takahata que le Tombeau des Lucioles et trouvait que ce film était un "exercice complètement décalé." Maintenant que j'ai vu le reste de sa filmographie, je trouve c'est le Tombeau des Lucioles qui est complètement en décalage avec le reste de ses films. C'est con, parce que c'est celui que le plus de monde a vue.


En effet, contrairement à l'image du "drame d'enfants perdus dans les horreurs de la secondaire mondiale" que nous laisse son film le plus célèbre, l'univers de Takahata est au contraire très léger, enfantin, mêlant les questions de vie quotidienne avec un certain élan poétique. Dans Mes voisins les Yamada, le réalisateur va plus loin dans l'utilisation de l'aquarelle que dans Goshu le violoncelliste ou Souvenirs Goutte à goutte
et fait réapparaître un effet qu'il adore "le art-shift" consistant à changer les styles graphiques au sein d'une même oeuvre. Celle-ci apparaît lors des scènes de télévision et lorsque le père Yamada tente d'aller discuter avec des voyous dont les motos réveillent le quartier. Tout à coup, les traits simplistes et cartoonesques se changent en traits plus réalistes afin de renvoyer à la peur du père face à des voyous qui semble bien plus encrée dans la réalité.


Ce qui est intéressant, c'est aussi l'utilisation subtile de les effets assistés par ordinateurs, notamment sur la scène de poursuite à vélo ce qui fait des paralaxes assez beaux. Tout en réussissant à avoir des dessins qui tentent de se rapprocher le plus possible du format papier. C'est peut-être de plus en plus le cas maintenant, mais en 1999 ce genre de techniques balbutiait et quand on ajoutait de l'ordi dans un film c'était pour mettre des textures en images de synthèses (Titan AE, Metropolis, etc...) On sent pleinement que ces techniques balbutiaient et trouveront un aboutissement dans Contes de la Princesse Kaguya.



Mon avis :



J'ai encore revu ce film et il m'a filé la patate, là où la compilation des strips me faisait juste sourire. Il faut dire que le film tire le meilleur des gags en associant les personnages entre eux et offre des moments assez reposants qui m'ont rappelé différents souvenirs de famille... Seul défaut un peu mineur, je n'ai pas compris certains gags et une certaine connaissance de la vie quotidienne japonaise permet d'apprécier pleinement le film. De plus l'adaptation faisait perdre le côté "cycle des saisons" qu'on avait à la lecture des bds. Mais en dehors, tout est bon.

le-mad-dog
8
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le 29 avr. 2016

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Mad Dog

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