Mesrine - 1ère Partie : L'Instinct de mort par TheScreenAddict

Dès les premières minutes, tendues et nerveuses à souhait, Jean-François Richet nous prouve que non seulement le cinéma français n'est pas mort, mais qu'il est toujours porteur d'une vivacité, d'une énergie, d'une incandescence ravageuse. Encore faut-il savoir maîtriser cet art délicat qu'est la mise en scène, un art visiblement inné chez l'auteur de l'honnête remake du classique de Carpenter : Assaut sur le Central 13.

La trame, d'une simplicité assumée, qui confère à son personnage une dimension d'icône maléfique, plonge avec une brutalité toute viscérale le spectateur dans un vertigineux cauchemar, respecte la chronologie linéaire et implacable d'une descente aux enfers. Loin d'être un point faible du film, comme l'ont souligné à tort quelques critiques de mauvaise foi, cette linéarité redonne tout son sens à la notion de tragédie. Car c'est bien une tragédie que Richet s'attache à filmer, du traumatisme algérien à la folle et interminable cavale du malfrat. A ce titre, quelle simple et brillante idée que de commencer le récit par le début de la fin. L'assassinat de Mesrine, habilement interrompu après une montée en suspense aussi lente qu'étourdissante (utilisation intelligente du split-screen), laisse d'emblée le spectateur à cran et semble répondre au fameux adage du criminel : "Personne me tue tant que j'ai pas décidé !" Toute l'intrigue obéit à la volonté à la fois égocentrique et attachante, adorable et monstrueuse de Mesrine, maître absolu du jeu.

Dans le rôle de ce génie du mal, Vincent Cassel se révèle ahurissant de sincérité. On oublie complètement la vedette derrière le personnage, incarnation hétéroclite de valeurs absolument contradictoires : imaginez un homme capable, sous les yeux de ses enfants, de fourrer le canon de son flingue dans la bouche de son épouse parce qu'elle lui a manqué de respect, et d'être au bord des larmes quand sa fillette vient le voir en prison. En l'espace de deux heures, Cassel réinvente la notion de mal, lui rendant une ambiguïté quasi originelle, organique.

La mise en scène, sans temps morts, fluide et dense, laisse exploser des instants d'action à couper le souffle, telles les deux séquences d'évasion de la prison canadienne, purs morceaux de bravoure qui relèguent loin derrière eux de nombreuses scènes bourrines soi-disant cultes du cinéma hollywoodien : une caméra, un acteur, une pince coupante, et on se retrouve, pendant dix minutes, scotchés à nos fauteuils, au bord de la syncope.

Richet place la barre très haut, il crée un poncif, une nouvelle référence du film de gangsters. Rendons là un hommage mérité au second rôle de Depardieu, véritable renaissance pour l'acteur, qui électrise l'écran en malfrat sournois et paternel, superbe de sadisme nonchalant. A des années-lumières du simpliste et stupide Bad Times, L'Instinct de Mort s'impose comme un classique instantané, un hommage noir et nuancé à l'une des plus grandes figures de la contestation et du contre-pouvoir, qui, malgré l'horreur qu'il peut inspirer, incarne ni plus ni moins une aspiration universelle à la liberté. Quant à savoir si cette liberté réclame autant de sang et de larmes, c'est une toute autre question...
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le 6 août 2010

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