Réalisateur belge souvent comparé à Gaspar Noé pour son style radical et ses collaborations fréquentes avec le directeur de la photographie Benoît Debie, Fabrice Du Welz s'est fait connaitre en 2005 avec son film d'horreur Calvaire, sorte de Delivrance à la française. Film de genre très cloisonné, ce dernier possédait une ambiance visuelle assez remarquable mais pâtissait d'une écriture flirtant avec le ridicule et disposait un rythme erratique. Des défauts récurrents dans la filmographie du cinéaste belge surtout dans son deuxième film d'horreur Vynian et sa première exploration du film de commande avec Colt 45. Polar français sans envergure qui a laissé le réalisateur lessivé à tel point qu'il l'a totalement désavoué. Après ce cuisant échec, car celui-ci fut un four commercial et critique, Du Welz essaya de renouer avec l'origine de son cinéma avec son quatrième film Alleluia, librement inspiré de faits divers autour des Honeymoon Killers, où il retrouva l'acteur principal de son premier film pour ce qui s'apparente au deuxième volet d'un triptyque en collaboration avec ce dernier. Malheureusement, Alleluia passa aussi inaperçu alors que même si il ne résout pas certains problèmes du style de Du Welz (dialogues faiblards et rythme répétitif) il s'impose comme son oeuvre la plus fascinante et viscérale, aussi dérangeante qu'étrangement belle.


Fabrice Du Welz est donc un cinéaste qui n'a jamais été familiarisé avec le succès, même si il a une certaine estime auprès des critiques grâce à un style très identifiable, il possède certaines lacunes qui l'empêche de vraiment imposer sa vision d'auteur. Fasciné par l'amour fou, de manière très littéral d'ailleurs, et la régression animale de l'homme, il possède des thématiques qui lui sont propres. Et alors qu'il fait son entrée à Hollywood avec un nouveau film de pur commande, il trouve en ce Message from the King, un film plus proche de son cinéma que ne l'était Colt 45. Le scénario à un côté beaucoup plus brute et centré sur son personnage principal qui doit redoubler de violence pour venger sa sœur et se sortir d'une histoire totalement sordide. Très emprunt des revenge movies des années 70, le récit ne va pas bousculer les codes du genre et va s'y lover sans la moindre gêne. Jamais surprenant, voire même prévisible, le parcours du héros manque de péripéties et surtout il vient se greffer avec une romance classique entre le justicier torturé et la mère de famille délaissée lorsqu'il tombera sur une femme dans le motel où il réside et que celle-ci doit se prostituer pour subvenir à ses besoins et ceux de sa fille. Ce pan de l'histoire est probablement le plus attendu, surtout quand cela tourne en banal rebondissement où le héros devra les protéger après les avoir mis bêtement en danger.


Le scénario est donc par moments paresseux dans ses élans nostalgiques et ce contente de recycler les classiques du genre mais il le fait par moments avec efficacité. D'abord parce qu'il dispose d'un personnage principal suffisamment bien écrit pour qu'on s'attache à lui. Il sort un peu du tout venant de ce genre de film et le fait qu'il soit noir permet d'établir un climat menaçant autour de lui. Dès une des premières scènes où il est interrogé et traité comme un suspect dans un aéroport où il est implicitement accusé d'être un immigré, jusqu'à la fin on sent une menace en plus qui pèse sur lui dans un contexte où le racisme est plus palpable que jamais même si pas vraiment explicité. Un propos qui s'accorde parfaitement avec l'état actuel des Etats-Unis. Le tout essaye donc de chercher un peu plus loin que son postulat de série B et joue parfois assez habilement avec les acquis du spectateur, notamment à travers une révélation de fin plutôt bien sentie. Le personnage qui fait figure d'antagoniste principal est aussi intéressant à suivre, servant plus d'intermédiaire entre les différents partie impliqué dans le meurtre de la sœur du héros, il s'impose comme un maître-chanteur qui sort un peu des clichés. Surtout que les personnages sont servit par un casting très solide qui donne du poids à ce qu'ils doivent jouer. Chadwick Boseman tient le film avec son charisme impeccable et l'intensité palpable de son jeu. Alors qu'il a rejoint l'écurie Marvel pour incarner Black Panther, donc il avait fait une apparition remarquée dans Civil War, il confirme son talent et a clairement l'attention du spectateur pour la suite de sa carrière. Luke Evans s'en sort avec beaucoup de classe dans le rôle du "méchant" et ils sont accompagnés d'une Teresa Palmer convaincante et d'un Alfred Molina sous exploité mais qu'on est quand même ravis de revoir. D'ailleurs Tom Felton, le Drago Malefoy de la saga Harry Potter, fait ici une petite apparition pour venir se faire maltraiter par le héros. Ce qui manquera pas de produire une certaine satisfaction morbide.


Pour la réalisation, la volonté de Fabrice Du Welz de tourner en pellicule sert très bien la noirceur du film avec ce grain sale qui donne un côté poisseux et palpable à l'image. Le tout est en plus servi par une photographie parfaitement travaillé sur les teint de couleurs et sur les lumières plus ternes. Après Message from the King ne bénéficie pas d'une atmosphère très appuyée, la faute à une bande sonore qui manque de profondeur et d'un montage parfois saccadé notamment dans les scènes plus musclées qui voit leur lisibilité sacrifiée. Du Welz offre une mise en scène globalement générique, on ne retrouve que sa patte lors d'une seule scène onirique qui voit son héros avoir des hallucinations suite à un passage au tabac. En dehors de ce passage, il offre un travail purement fonctionnel, parfois un peu brouillon mais qui pour une fois dans la filmographie du réalisateur, a un certain sens du rythme.


Message from the King est un divertissement sympathique, resucée souvent efficace du revenge movie des années 70 mais qui ne transcende jamais le cahier des charges. Pourtant, suite à la débâcle qu'était Colt 45, on aurait pu craindre le pire de voir Fabrice Du Welz à nouveau mis sous la pression du film de commande. Mais avec un scénario plus en harmonie avec son cinéma, et une production hollywoodienne nettement plus classieuse que la production française, le cinéaste arrive à faire quelque chose d'honorable. Même si il n'est guère aussi passionnant qu'un Alleluia, Message from the King reste une entrée en matière plus accessible au cinéma du réalisateur belge, et si il est moins marqué par sa personnalité qu'un Calvaire ou un Vynian, il se montre plus tenu dans sa démarche. Avec ses deux derniers films, il prouve avoir acquis une certaine maturité dans son langage filmique qui rend son cinéma beaucoup plus plaisant à suivre. Surtout qu'ici on nous gratifie aussi d'un casting impeccable et d'un héros plutôt intéressant.

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le 16 mai 2017

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Flaw 70

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