Lorsque Lola annonce à Jamal et à Félix qu’elle est enceinte de l’un des deux, une césure a lieu entre ces deux personnages tout deux présents. Deux réactions différentes : l'un ferme les yeux, l'autre éveille en lui le sens des responsabilités. Et à partir de cette scène d'exposition on voit ce qu’a voulu filmer Kassovitz. Le conflit. Nos deux protagonistes se différencient en plusieurs points. Jamal est très bien éduqué, élève sérieux en Droit du fait de sa parenté avec des diplomates prestigieux. De son côté, Félix est une racaille provocatrice d'une famille juive installée en banlieue. Je me permets de dire que déjà Kassovitz ne tombe pas dans un registre comique vaseux en mettant en scène trop facilement un blanc en costard et un noir en jogging. Ce qui est assez original.
Une cohabitation entre les trois a vite lieu. Lola est comme nous au milieu de ces êtres, elle ne sait pas qui vraiment départager entre ces deux êtres différents. Alors que l'un n'a d'égale son amour pour la musique de rap hardcore que sa provocation, l'autre est bloqué par son sérieux et ses inquiétudes. Le scénario ne met pas en avant l'amour proprement dit "sentimental" mais l'amour dans la tolérance de l'autre. Car nos êtres à première vue différents d'un point de vue ethnique et comportemental sont des humains sensibles qui apprennent à attendre un enfant et à accompagner la mère dans cette épreuve.
Pour son premier long-métrage, Kassovitz fait preuve d’une grande maturité technique avec déjà, quelques années avant La Haine, des plans-séquences et des plans à la grue pour une histoire sur les communautés. Son traitement de la France multiculturelle est bien faite et à certains moments fait sourire. De même, la mise en scène avec un déplacement intelligent de notre trio principal force le respect. On regrette toutefois un manquement d'approfondissement dans l'écriture. À voir.