Touchant à sa quarantaine, le James Bond de la saga EON prend peur. Il a peur de mourir et se dit : Meurs un autre jour.
Il se regarde dans les glaces du palais d’un ennemi qui a pris des traits proches, son allure, son maintien et voit derrière elles deux petits jeunes très prometteurs, Jason Bourne (La Mémoire dans la peau) et Xander Cage (XXX), ainsi que deux vieux comparses qui ont fait un sacré lifting, Alexander Scott et Kelly Robinson (Espion et demi). Lui, est vieux, Brosnan marqué de quelques rides. Et depuis le 11 septembre 2001, il entend sans cesse cette réplique rémanente du vingtième volet de ses aventures : « Le monde a changé ». Et il leur crie : "Pas pour moi !". Cela dit, une petite cure de rajeunissement bien kéké et mutant pour fêter son grand âge, pourquoi pas. Il invite donc les spectateurs à une fête d’anniversaire en fanfare, un festival d’exagération et de gigantisme dans un ballet de travelings stylés mais souvent douteux.


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Un épisode anniversaire sans caractère propre


Pour ses quarante ans, Bond convoquent un maximum de références de ses succès passés. Un best-of en somme. Cela est plaisant mais ne doit pas être vu comme une qualité du film. En effet, des films comme Au service secret de Sa Majesté et Dangereusement vôtre l'ont fait avant lui et d'autres comme Skyfall et Spectre le feront ensuite avec plus de subtilité. Le grand fan inconditionnel de James Bond ne boudera pas son plaisir. Le spectateur lambda restera sans doute plus désappointé.
Les références sont multiples, nombreuses mais la plupart renvoient aux Diamants sont éternels et à Goldeneye pour une raison bien précise qui semble avoir totalement échappé à Pierce Brosnan: Meurs un autre jour est déjà considéré par les producteurs comme les scénaristes comme son dernier James Bond.
Or, Les Diamants son éternels est déjà le dernier volet du tout premier interprète de 007, j'ai nommé Sean Connery. Comme son aîné, Pierce Brosnan a pris de l'âge, encore que ce soit moins voyant. Seuls ses soupirs récurrents le vieillissent plus que ses rides naissantes et ses cheveux déjà grisonnants. Meurs un autre jour se calque sur Les Diamants sont éternels dont il parvient à relever le niveau. On peut le présenter comme un remake réussi qui bénéficie d'un contexte plus favorable pour une telle intrigue. Dans les deux films, un adversaire que l'on croyait mort, tué par James Bond en scène pré-générique, revient menacer le monde avec un satellite incrusté de diamants qui permettent la génération de rayons hautement destructeurs. L'adversaire se terre à chaque fois sous une identité qui est celle d'un autre, un nom à initiales identiques - WW pour Les Diamants sont éternels, GG pour Meurs un autre jour. On notera que si le premier renvoie à un personnage célèbre contemporain du film, Howard Hugues, le second trouve l'idée excellente et lettriste - honneur aux amateurs d'Isidore Isou - de composer le symbole d'un diamants avec les deux lettres G du nom du méchant pour en faire le logo de sa mine. On notera que le premier surfe sur le succès de Goldfinger en prêtant un immense rayon laser à son satellite et que le second lui offre un rayon dont la puissance égale celle du soleil en le nommant astucieusement Icare, du nom du fils de Dédale chutant d'avoir voulu s'approcher trop près du soleil. Dans les deux volets, il y a un trafic de diamants de conflit africain, les fameux blood diamands. Dans les deux volets, l'une des James Bond Girls trahit James Bond pour le compte du méchant. Dans les deux volets, il est question d'hovercrafts.
Les références à Goldeneye sont aussi nombreuses pour créer une épanadiplose et donner une impression de boucle bouclée de l'ère Brosnan. James Bond affronte de nouveau un méchant dont l'histoire familiale et étatique se sont trouvées bouleversées par l'intervention de l'Est: Alec Travelyan, le méchant de Goldeneye, est le fils orphelin de cosaques de Lienz, trahis et tués par les britanniques; Moon est le fils d'un général coréen qui a mal vécu la division de la Corée en deux par les américains. Alec, censé avoir été abattu par un général russe n'est pas mort et revient sous le pseudonyme de Janus, Moon, laissé pour mort par Bond, revient en tant que Gustave Graves. Ces deux ennemis de 007 usent d'un satellite pour se venger: le satellite russe à impulsions électromagnétiques Goldeneye et le satellite Icare. Dans les deux films, Bond se rend à Cuba pour son enquête et dispose à nouveau de sa montre générant un rayon laser. Dans les deux film enfin, un agent du MI6 se révèle un traître à sa cause.
Les autres références, tout aussi nombreuses, sont plus dispersées et anecdotiques. Dans l'ordre chronologique de la saga, repassons les principales allusions du film. Jinx, la James Bond Girl pro-Bond du film, entre en scène en sortant de l'eau en bikini à l'instar d'Honey Rider dans la scène fameuse du Docteur No. Elle porte un bikini orange comme Ursula Andress dans bien de ses photos promotionnelles et, pour le plaisir purement masculin des spectateurs, offre aux regards toute une panoplie de bikinis de couleurs différentes comme pour rendre hommage aux autres James Bond Girls en bikini dans la saga. James Bond retrouve dans le laboratoire du nouveau Q la chaussure à lame empoisonnée de Rosa Klebb dans Bons Baisers de Russie, une Aston Martin gadget en hommage à la DB5 de Goldfinger et le jet-pack qu'il utilise dans Opération tonnerre. Plus tard dans le film, Bond utilisera aussi le tube à respiration sous-marine du même Opération tonnerre. Une référence inversée dans les dialogues rapproche Meurs un autre jour de Goldfinger: dans les deux films, un club se trouve détérioré suite à la rencontre de 007 et son antagoniste. Dans Goldfinger, le méchant éponyme répond que le club ne dira rien car le club lui appartient; dans Meurs un autre jour, l'attachée de presse de Gustave Graves lui rappelle qu'elle doit rembourser ce qu'il doit au club avant d'envisager de rendre possible l'invitation qu'il fait à Bond de se rendre à la soirée de présentation d'Icare. Remise dans le bon sens, l'allusion aux trous d'air et à l'avion en chute libre fait un clin d'oeil autant à Goldfinger qu'à Tuer n'est pas jouer. Le personnage de Falco, directeur de la NSA, rend hommage autant à Tanaka, chef des services de renseignements japonais dans On ne vit que deux fois, qu'à Gogol le chef du KGB présent dans de nombreux volets. Icare se faisant aussi puissant que le soleil, Graves devient grâce à lui une sorte d'Homme au pistolet d'or, d'autant que dans ce dernier volet le soleil a une place essentielle.Le duel à l'épée qui oppose Bond à son nouvel antagoniste fait écho à celui de Bond et Chang dans Moonraker. Comme dans Permis de tuer, Bond n'est plus agent 00 pendant une partie du film. Le fait que Bond cache son arme sous son traversin est une reprise de Demain ne meurt jamais et l'incapacité à dormir comme l'importance donnée aux rêves rappelle le précédent volet.
Enfin, des références plus fines se sont tout de même glissées dans le film. Une hôtesse de l'air servant une Vodka Martini au lieu du Mojito - qui semblait l'avoir remplacé plus tôt dans le film - est interprétée par Deborah Moore, la fille de Roger Moore, l'un des anciens interprètes de James Bond. Quant à la couverture de Bond à Cuba, James Bond l'ornithologue, il s'agit d'un clin d'oeil au réel James Bond qui a inspiré le nom du personnage et dont l'espion empreinte un exemplaire des Birds of the West Indies à Raoul, son contact cubain.
Une pléthore de références que le fan s'amusera à rechercher comme des oeufs de Fabergé - ou de Pâques, c'est selon - mais qui désintéresseront les autres spectateurs ou tendront à lui faire croire, comme le veut une idée commune de la critique, que James Bond, c'est toujours la même histoire. Meurs un autre jour apparaît plus comme un recyclage des anciens, un remake réussi d'un des plus faibles, alors qu'il se voulait sans doute et surtout un épisode célébrant la longévité de la saga. Tout en la mettant en péril. Un comble pour un film dont le titre est Meurs un autre jour !


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Un concentré d'exagérations tape-à-l'oeil


"Il vous a tapé dans l'oeil?", demande James Bond à Anya Amasova pour la taquiner dans L'Espion qui m'aimait. Cette réplique, Roger Moore semble l'adresser aux spectateurs depuis ses années 70 au sujet de ce nouveau volet des aventures de 007.
L'un des pires défauts de Meurs un autre jour est, il faut bien l'admettre, son côté "poudre aux yeux", proche de celui plus réussi de Skyfall.
Le meilleur exemple est celui du gun barrel modifié pour être plus interactif, plus impressionnant et qui devient presque ridicule en retour. Lee Tamahori, réalisateur de ce nouveau volet et du futur XXX 2, a trouvé intéressant de faire passer la balle du PPK de Bond au travers du canon pour le faire parvenir jusqu'aux spectateurs. Sauf que, techniquement, cela n'a absolument aucun sens. Car la balle tue son adversaire en le touchant au coeur ou à la tête d'ordinaire. Là, elle semble entrer dans le pistolet ennemi et devrait provoquer une explosion ... Tamahori va-t-il nous dire comme Gustave Graves à Bond: "Je me demandais quand vous le découvririez, j'ai bien ri !".
La palme de l'exagération revient aux gadgets du jour. Certes, la bague à briser les vitres par ultra-son n'est pas problématique car elle s'inscrit bien dans la logique bondienne et est raisonnablement originale. Mais l'Aston Martin Fugitive, d'une grande originalité, permettant une scène de présentation hilarante digne du Monty Python John Cleese - toujours aussi bon dans le rôle de Q, peut-être un chouya sage pour ressembler à son prédécesseur - peut sembler par trop exagéré. Car, voyez-vous, cette fois, l'Aston Martin a la capacité démentielle de se rendre invisible. Bien que scientifiquement expliquée, cette trouvaille a de quoi laissé plus que sceptique. Elle rejoint pourtant le concept de l'Aston Martin DB5 originelle qui se munissait de plaques minéralogiques changeantes en réponse aux problèmes de contravention de stationnement. Une voiture de 007 doit comporter des options idéales qui change le quotidien en une partie de plaisir. Mais si le rêve d'une voiture invisible n'échappe à personne, même si on ne peut s'empêcher de trouver cette voiture géniale, force est de reconnaître qu'un seuil d'exagération et d'humour a été franchi vers des hauteurs douteuses. Le gadget qui apporte de l'humour au film mais qui peut aussi aisément le rendre détestable, c'est les lunettes d'entraînement. Ces lunettes permettent une facilité de scénario où le MI6 se retrouve attaqué par une armé de soldats type Counter-strike qui tuent Miss Moneypenny, plusieurs employés et prennent M en otage. Sans raison apparente. Le tout étant justifié par une séquence d'entraînement virtuel via ces fameuses lunettes gadget. D'où il style inspiré des jeux vidéo dans l'évolution de Bond dans l'espace de ce MI6 investi par des ennemis anonymes. Comme si cela n'était déjà de trop, Tamahori pousse la blague à mettre les lunettes entre les mains de Miss Moneypenny pour assouvir son fantasme de coucher avec Bond. Là encore, on rit ou on rappelle que tout le charme de la relation entre l'espion et la secrétaire de M vient de ce qu'ils semblent former un couple parfait mais que leur amour ne sera jamais consommé. D'autant que Miss Moneypenny y perd dans la comparaison entre son interprète, une Samantha Bond vieillissante de plus en plus proche physiquement de M, et les interprètes des deux sublimes nouvelles James Bond Girls.
Entre le début et la fin du film s'opère un inquiétant changement qui fut décisif pour le choix du reboot avec Casino Royale. Au début du film, Bond et son équipe s'approchent d'une plage surveillée en surfant dans les vagues meurtrières de la plage d'Hawaï appelée Jaws de réputation. De véritables cascades ont servi cette scène initiale qui prétend seulement se dérouler en Corée. Vers la fin du film, Bond poursuivi par le satellite Icare doit surfer sur une mer en furie, slalomant entre plusieurs blocs de glace. Plus rien est vrai dans ce nouveau décor complètement numérisé et bien trop visible en tant que décor numérique tant les graphismes ne parviennent pas à le rendre crédible. Un propension au numérique qui commence à inquiéter des inconditionnels de Bond habitués à de vrai cascades. Une exagération dans l'usage des effets spéciaux numériques jusqu'alors très discrets.
L'exagération se trouve aussi dans les visuels avec la façon de filmer de Meurs un autre jour. Tout le film est ponctué de travelings censés donner du cachet à l'oeuvre et qui ne font que la rapprocher de l'une des sagas dont le film s'inspire: Fast and Furious.


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Mi mutant mi coureur, un volet entre X-Men et Fast & Furious


Et oui, pour "jouer les jeunes", 007 se met au tuning et à la métamorphose génétique.
Jinx, la nouvelle James Bond Girl est le parfait exemple de ce double métissage cinématographique. La belle espionne apparaît souvent en bikini, en tenues de cuir noir ou rouge puis finalement en treillis militaire comme une héroïne de Fast & Furious. Coupe de cheveux à la garçonne, elle semble même imiter le personnage de Michelle Rodriguez dans cette saga. Il ne faut pourtant pas oublier qu'outre son oscar pour A l'ombre de la haine, Halle Berry, qui interprète Jinx, est aussi et surtout connue du grand public pour le rôle de Tornade, la mutante aux cheveux blancs qui déclenche des tempêtes dans X-Men.
L'autre James Bond Girl, l'anti-Bond, Miranda Frost porte un nom explicitement en rapport avec celui de la méchante mutante Emma Frost que le cinéma ne mettra en scène que bien plus tard. Si Emma Frost couvre son corps d'une carapace en diamants, Miranda se distingue par son extrême habilité à l'escrime. Son caractère est à l'image de son arme et du thème du film, celui de la glace. Sa froideur lui vaut d'être considérée par Bond comme à l'aise dans le palais de Graves. Sans avoir réellement ce pouvoir, Miranda Frost, qui porte mieux son nom que la mutante dont elle s'inspire, jette un froid dans les discussions, refroidit les ardeurs masculines malgré sa grande beauté. Rosamund Pike, la beauté froide et blonde de Clones, Johnny English 2 ou Jack Reacher, joue à la perfection ce personnage réaliste auquel on imaginerait presque un pouvoir glaçant de mutante. Découverte dans ce rôle, elle ne livre pas là sa meilleure prestation mais envoûte les spectateurs par son élégance et son sex-appeal irrésistibles.
Transfuge du premier Fast & Furious, Rick Yune, qui jouait déjà un méchant, campe un méchant inoubliable de la saga EON. Il s'agit de Zao, un nord-coréen, le bras droit de Gustave Graves, qui suite à une explosion provoquée par 007 se retrouve le visage rasé et serti de diamants. Haïssable et angoissant à souhait, le personnage de Rick Yune présente un physique digne de celui d'n méchant mutant d'X-Men. Il reste pourtant fidèle à l'esprit de sa saga d'origine, Fast & Furious, en devenant le premier méchant à conduire une voiture à gadgets, capable de lutter à armes égales avec James Bond. En effet, la voiture volante de Scaramanga ne disposait d'aucun gadget offensif ou défensif connu susceptible de l'aider dans un affrontement en quatre roues face à 007. Au volant de sa Jaguar, marque qui devient alors la marque de véhicule des méchants avec Zao, le méchant au visage étincelant se livre à un combat de missiles par voitures interposées sur un lac islandais en plein dégel. Une belle métaphore de deux personnages restés bloqués à la guerre froide continuant à s'affronter dans un nouvel ordre mondial.La belle Jaguar XKR verte de Zao dispose aussi de bras béliers à l'avant, avec lesquels il espère enfourcher la pauvre Aston Martin de Bond, et un canon rotatif sur le toit. Le combat des deux voitures gadgets, s'il fait penser à une poursuite de Fast & Furious garde un aspect très bondien et reste l'un des moments de bravoure du film.
Zao n'est pas le seul homme de main de Gustave Graves. Le spectateur découvre tardivement (trop tardivement et trop brièvement?) un autre personnage de méchant, répondant au nom de Mr Kill. Le colosse au peigne de cheveux tueur est assez mal exploité par l'intrigue mais est impeccablement interprété par Lawrence Makoare, connu pour ses rôles d'uruk-haïs dans Le Seigneur des Anneaux et en particulier celui du terrifiant Lürtz. Dans Meurs un autre jour, il peut être vu comme un mauvais mutant d'X-Men.
Enfin, le méchant: le Colonel Moon alias Gustave Graves. Voilà un personnage digne d'un mutant négatif d'X-Men, s'il en est dans ce film. Car le colonel laissé pour mort subit une opération dans la clinique très fermée du Dr Alvarez sur l'île d'Organos au large de Cuba et en ressort avec un autre physique et une identité qu'il s'est choisit. Dès lors, il ne peut dormir que quelques heures en portant un masque psychédélique mais a acquis la possibilité de faire des actes inouïs et de rester éveillé plus longtemps. Il conduit par exemple des modules de course à la limite de la perte de contrôle, ce qui en fait un personnage digne de Fast & Furious. Pour se protéger, Graves demande à son fidèle Igor - astucieusement appelé Vlad, inversant les rôles - de lui confectionner une armure délivrant une importante charge électrique et lui permettant de piloter son satellite à distance et de suivre ses cibles, de les viser. Mais vêtu de cette armure high-tech futuriste, Gustave Graves ressemble plus à un méchant de comics de super-héros, mutant ou non, qu'à un méchant de James Bond. Ce qui n'empêche pas un exploit sans précédent dans la saga: un méchant principal incarné par deux acteurs différents. Will Yun Lee, connu pour son rôle du mutant Samouraï d'argent dans Wolverine: le combat de l'immortel et Toby Stephens, acteur shakespearien bien connu et célèbre au cinéma pour son interprétation de la version jeune du héros de Clint Eastwood dans Space cow-boys et à la télévision pour ses rôles dans Napoléon, Gatsby le magnifique et Black Sails, joignent leurs talents au service des deux facettes antithétiques du personnage de Moon / Graves. Un nom très wildien qui rappelle cette réplique de la Salomé d'Oscar Wilde: "Look at the moon. How strange the moon seems! She is like a woman rising from a tomb. She is like a dead woman".


Meurs un autre jour veut faire peau neuve et, s'il peut plaire, il peut aussi trancher avec le style sobre et classe habituel de James Bond, à l'image du portier du club très chic mis en désordre par Bond et Graves, aux allures de rasta qui décrète qu'il "fallait changer la déco de toute façon !"
Dans l'esprit moderne que veut ce vingtième volet de la saga EON, le générique joue un rôle à l'image de l'exagération présentée plus haut. Chantée par Madonna, la Queen of Pop, célèbre pour ses Confessions on a Dance floor, qui se permet un caméo dans le rôle de Verity, le mentor en escrime de Miranda Frost, la chanson répond à tous les codes bondiens. Mais elle possède un défaut énorme qui est certainement à l'origine de sa nomination au Razzie Award de la pire chanson originale 2003. Le son souffre de micro-silences faits exprès pour se donner un genre avant-gardiste qui fait que à chaque première audition, on se demande si le DVD n'est pas enrayé, en dysfonctionnement. On s'y habitue par la suite, se conformant à la crise puis l'acceptation d'une esthétique nouvelle telle que les décrit Umberto Eco dans son Oeuvre ouverte. Il n'empêche que cela pèse sur la crédibilité d'un générique aux visuels pourtant si extraordinaires ! Quand le générique de fin s'achève sur le rire de Madonna qui déclare: " I need to lay down", on a envie de lui répondre: "Oui, faîtes donc !"


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"Un palais de glace peut receler bien des pièges": les époustouflants visuels de Meurs un autre jour


S'il est une qualité indéniable du film, ce sont ses incroyables visuels.
Le générique, par exemple, qui pour la première fois, se fait narratif et conte la captivité de Bond torturé subtilement entre feu et glace comme l'est Domino, la James Bond Girl prisonnière de Largo dans Opération tonnerre. Outre cette référence plus subtile, échangeant les rôles masculins et féminins, on admirera la beauté de ses silhouettes féminines incarnant les effets du feu, de la chaleur et de la glace et du froid qui joue avec un Bond perdu, devenu un pantin entre leur griffes dans un lieu où règne de noirs scorpions.
Toutes les affiches attestent de la glace omniprésente dans le film jusque dans le logo givré 007. Une affiche présente même un Walter PPK fumant sur un bloc de glace. Et toute cette glace est concentrée dans le sublime repaire du méchant, transformé en lieu de soirée mondaine. Un immense palais de glace où tables, bars, lits, tout est en glace. Un décor impressionnant pour une soirée mondaine et une course-poursuite mortelle en voiture ! Un des meilleur décors de la saga destiné à fondre dans la droite lignée du repère du Docteur No: "Vous trouverez cette île bien petite, Docteur No / - Non: seulement bien destructible, M. Bond."


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Bond féminin et Bond Noir


En avance sur son temps, Meurs un autre jour alimente déjà les stupides polémiques nées avec Skyfall et Spectre. Quid d'un James Bond femme ou d'un James Bond Noir?
Halle Berry et son personnage de Giacinta Johnson se comporte comme Bond et se placent dans le sillage d'Anya Amasova / Barbara Bach et Pam Bouvier / Carey Lowell. Sur l'affiche du film, elle apparaît l'arme au poing, visant dans la même direction que James Bond. Sur ce pied d'égalité, rien ne les distingue si ce n'est leurs identités et leurs sexes. Quand Bond a l'habitude de dire "Mon nom est Bond, James Bond", Jinx a tendance à dire "Jinx (la poisse) parce que mes amours ne durent pas longtemps". Cette présentation type la pose en équivalent de Bond dont les amours sont passagères et s'achèvent parfois sur la mort des partenaires du célèbre espion. Néanmoins, il suffit de se rappeler que les soldats américains emportent avec eux des portraits hots d'Halle Berry et de taper le nom de son personnage dans un moteur de recherche pour se rendre compte que Jinx plait autant pour son rôle de femme forte que pour sa pose torride en bikini orange, qui apporte plus qu'on en croit et assez peu raisonnablement au film.
Bond Noir avant Idris Elba? Oui, cela a existé! Il s'agit de Colin Salmon qui, fort d'avoir imposé son personnage de Charles Robinson en fait et place de Bill Tanner, tente à présent de devenir rien de moins que 007 ! Il profite même de l'absence Bond pour entrer à sa façon dans le bureau de Miss Moneypenny et entonner un "Des nouvelles, Miss Moneypenny?" avant de rejoindre M dans son bureau. Une tentative décevante qui conduira à la disparition d'un personnage qui eût été intéressant s'il avait su conserver la place qu'il avait trouvé dans Le Monde ne suffit pas.


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Le Monde ne changera pas
M a beau être une femme - Judi Dench meilleure que jamais dans ce rôle - et répéter que le monde a changé, Falco, le chef de la NSA interprété avec le vulgaire tarantinesque un chouya agaçant de Michael Madsen (Reservoir Dogs, Kill Bill) dans un James Bond une nouvelle fois américanisé, a beau rouler des mécaniques et menacer avec sa bombe nucléaire, rien n'y fera. Le monde ne changera pas.
Fidèle au projet fixé par Goldeneye, Meurs un autre jour parvient à démontrer que malgré le monde du terrorisme post-Guerre Froide, la Guerre Froide. C'est là l'excellent choix de la Corée comme lieu de l'action. Une Corée divisée, nouvelle Berlin à échelle étatique. Une Corée d'où vient Oddjob, vague pays éloigné de Goldfinger que Meurs un autre jour explore. Une Corée où règne encore la Guerre Froide que l'on croit pour de bon terminée.
Le complot de Graves consiste à détruire le champs de mines séparant la Corée du Nord de la Corée du Sud pour envahir la Corée tout entière. Le film a réussi à sensibiliser le monde occidental à cette situation qu'il ignorait et servira de patron au scénario d'autres films d'espionnage tels que La Chute de la Maison blanche.


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"Vous ne tuerez pas mes rêves. Mais mes rêves, eux, vont vous tuer !"


Meurs un autre jour trouve un intérêt inédit avec la sortie de Spectre en 2015. Dans ce dernier volet, James Bond est prisonnier d'un Blofeld qui le torture dans une salle extrêmement blanche et lumineuse. La torture consiste en un percement du crâne par chacun de ses côtés en même temps. Bond semble alors délirer et perdre connaissance.
Certains voit en cette scène de torture la possibilité d'introduire les volets classiques comme les délires du James Bond incarné par Daniel Craig lors de cette scène de torture. Si l'idée semble audacieuse pour beaucoup de volets, Meurs un autre jour, dernier des classiques y prête foi.
En effet, toute cette glace, tout cette luminosité venant d'un satellite tirant sur la terre, ne peuvent-ils être vus comme la salle où l'on torture l'espion et l'instrument de torture?
De même, le méchant reprend le complot qui échouait plus tôt dans la saga classique à ... Blofeld ! Ce même méchant ressorti de sa tombe, grave en anglais, comme Franz Oberhauser. Un méchant qui ne cesse de dire: "on aura bientôt toute la mort pour dormir". Un méchant qui déclare avant de mourir: "Vous voyez, Monsieur Bond: vous ne tuerez pas mes rêves. Mais mes rêves, eux, vont vous tuer! Il est temps de faire face à ton destin !". Et s'il s'agissait du subconscient de Bond en train de reprendre connaissance?
Bond va-t-il faire face à son destin réel pour mourir un autre jour?


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Meurs un autre jour plaît pour ses références, ses allusions, ses femmes sexy, ses méchants surprenants et, depuis peu, par le lien étrange et prémonitoire qu'il entretient avec Spectre.
Meurs un autre jour déplaît par la simplicité de certains de ses dialogues, par ses recyclages grossiers, ses gadgets exagérés et ce qui en découle.
Meurs un autre jour est un faux diamant mais un diamant tout de même.

Créée

le 21 sept. 2016

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Frenhofer

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