Une caresse pour raviver la flamme et une brise pour tout emporter. C’est dans cette configuration, à la fois douce et mélancolique, que Noémie Merlant aborde son premier long-métrage, devant et derrière la caméra. Si l’on s’arrête un moment sur ce qu’elle a accompli aux côtés de Marie-Castille Mention-Schaar, Céline Sciamma et dernièrement Jacques Audiard, la comédienne a toujours su projeter des émotions, qu’elles soient fortement intériorisées ou non. C’est à cela qu’on lui reconnaît ses qualités et un sens du langage qu’elle met à profit dans un road-trip solaire et n’hésite pas à s’armer d’un Carpe Diem universel. Ce qu’elle et son équipe ont pu capter en 14 jours de tournage, c’est bien entendu toute la charge émotionnelle qui se dégage des personnages, dont on ne doutera pas de la complicité.


Nous découvrons d’entrée une Jeanne, qui possède un peu du « Portrait de la jeune fille en feu » ou encore de son homonyme dans « Jumbo ». C’est une femme libre. Mais il faudra un certain déclic, afin de pleinement croquer le fruit de l’interdit, et par la même occasion le fruit de toutes les possibilités et de tous les désirs. La caméra s’enflamme rapidement pour un groupe de femmes, qui s’égarent en Roumanie, d’abord sur la route, puis dans un modeste foyer, où elles seront hébergées. La nouvelle Jeanne de Merlant, Katia (Sanda Codreanu), Lola (Clara Lama-Schmit) et Helena (Alexia Lefaix) passent ainsi un enterrement de vie de jeune fille, ponctué par une rupture évidente des sentiments de la concernée, face au destin qui l’attend à son retour en France. L’actrice de métier finit sans doute par se perdre dans un jeu qu’elle ne contrôle plus, qu’elle ne possède plus. Il n’y a plus qu’elle, plus qu’une femme dans une enveloppe qui ne laisse pas indifférent un des hôtes ou le soleil qui la réconforte.


Nino (Gimi-Nicole Covaci) vit dans l’espoir de bâtir sa propre demeure, sa propre vie et de ses propres mains. Sans forcément le sou pour s’offrir le même genre de virée que Jeanne et ses amies, il se laisse pourtant flotter et emporter par la dynamique du groupe, qui semble aussi prudent qu’orgueilleux lorsqu’il s’agira d’évoquer le mariage. Ce sera toutefois plus séduisant et intelligent lorsque Nino devra affronter la vérité sur ses précédentes relations. C’est pourtant avec Jeanne qu’il couvera le fantasme du moment, sans complexe, mais dans une contradiction qui renvoie au premier émoi. C’est dans la différence et les ressemblances, qu’ils s’apprivoisent peu à peu, dans un jeu imprévisible et généreux. Entre le fossé culturel qui se lit dans les confrontations de chacun et les rencontres éphémères, il est donc possible de se réconcilier, de danser ou chanter sur un même hymne, pourvu que l’on épouse les mêmes valeurs.


Les préjugés ne font pas bon ménage avec la curiosité, mais dans un moment d’incertitude et de passion, tout se reconstruit, au bord de la plage ou au bord de cette même route, qui rencontrera obligatoirement une bifurcation, cruelle et définitive. Bien entendu, « Mi iubita mon amour » n’avance pas sans défauts, à la fois dans un rythme inégal et dans le manque de subtilité de certains propos. Mais la sincérité qui émane de toute cette aventure suffit pour se replonger dans les méandres de deux âmes solitaires et tiraillées par leur environnement respectif. Il a une famille à défendre et elle a une autre vie à mener.

Cinememories
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le 19 mars 2022

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