Je viens de revoir le film pour la troisième fois alors j'ai envie d'écrire dessus.
Il m'a fallu un peu de temps pour vraiment m'approprier Michael Mann, et finir par dire qu'il est bien l'un de mes cinéastes fétiches. Il m'a fallu Hacker en fait : quand on est le seul ou presque à aimer un film - ou en tout cas à l'aimer autant - c'est forcément qu'entre son auteur et soi, il y a une affinité profonde.
Aujourd'hui, alors qu'il me reste encore à voir La Forteresse noire, Le Dernier des Mohicans et Ali, je sais que Mann est "l'un des miens", l'un de ceux que je citerais si l'on me demandait de parler de mes cinéastes favoris. Et s'il y a un film, qui au milieu de toute son oeuvre, me fait l'aimer à ce point, c'est bien Miami Vice.


Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? On peut se dire ça en découvrant l'oeuvre - si l'on est habitué aux films d'action calibrés, mais pas seulement ; au fond, c'est peut-être ça qu'il faut se dire, car en le voyant, on mesure tout ce que le cinéma populaire pourrait être et n'est pas.
C'est du cinéma populaire, d'abord parce que c'est du cinéma de gamin : il y a des méchants, des gentils, des flingues, des voitures, des avions, même des bateaux de course, ça casse des gueules, ça dégoupille des grenades, ça fusille dans tous les coins : il y a tout ce qu'il faut pour s'amuser. Depuis le début, depuis Le Solitaire, Mann adore les histoires de gangsters, aussi parce que le gangster, c'est celui qui vit plus intensément, qui aime plus intensément.
Sonny et Ricardo ne sont pas des gangsters, mais c'est tout comme : ils ont même une voiture de gangsters (une Ferrari F430), d'ailleurs, ils doivent tout faire pour avoir l'air de gangsters et on les croit. Et donc ils vivent comme des gangsters, et donc ils aiment comme des gangsters.
Cette histoire d'amour, c'est le cœur de Miami Vice. Au fond, je suis assez persuadé que la première idée de Michael Mann lors du développement du film, ç'a été cette place centrale de l'amour dans son film, et cette question capitale : sexe ou sentiments ? L'idée, c'est de faire de cette question naïve le noeud de l'intrigue d'un film d'action : si Sonny et Isabella s'aiment, alors il y a danger, s'aimer c'est dangereux ; littéralement, si l'on s'aime, on risque de se faire trouer le cœur : c'est une idée géniale, et tellement belle !
Je crois aussi que ce qui rend ce film aussi incroyable et aussi précieux, c'est son côté bricolé, documentaire, malgré son budget exorbitant. On a l'impression d'un blockbuster tourné en équipe réduite, entre amis, en attendant la lumière juste, et ça donne un aspect familier à un film pourtant très éloigné des conditions de production du cinéma d'auteur. Comme si Philippe Garrel avait gagné à l'euro millions. Et dans le même temps, sur un plan purement plastique, c'est l'un des films les plus époustouflants de ces dernières années. Chaque plan est une merveille, et pourtant chaque plan est si court ! On voudrait s'arrêter, mais ça ne s'arrêtera pas, comme une intrigue que l'on a l'impression de poursuivre à perpétuité - après trois visions, il y a encore des choses qui m'échappent, elles m'échapperont sûrement toujours - et comme une histoire d'amour fugace.
Enfin, il y a quelques moments inoubliables : le suicide du début, la scène d'amour après la danse, la fin bien sûr. Mais si je devais citer une seule scène, ce serait celle où, alors que Sonny s'est embourbé dans une histoire d'amour sans lendemain et qu'il s'est compromis face à ses supérieurs, Ricardo vient le rassurer : "Jamais je ne douterai de toi". C'est le seul moment où leur amitié transparaît, et c'est suffisant.
130 millions de dollars pour ça ? Oui, mais ça n'a pas de prix.

Neumeister
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le 2 janv. 2016

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