Deux ados de Versailles sont l’objet des moqueries de leurs camarades guindés de collège. Leurs différences par rapport aux autres les rapprochent. En quête d’indépendance, ils décident de construire une voiture pour se balader en toute liberté jusqu’en Auvergne l’été venu.


Michel Gondry c’est un peu le Wes Anderson français, du moins dans l’esprit rêveur et farfelu qui se dégage de ses films. Là où le cinéaste américain construit des univers faussement réalistes, lorsque les plans géométriques et les couleurs font penser à de gigantesques tableaux, Gondry aime quant à lui présenter des personnages dans la lune et en décalage constant avec le monde qui les entoure. Cela avec une certaine poésie. Cette sorte d’innocence, de douce rêverie propre à son cinéma, ne sont en fait que des éléments autobiographiques d’un homme aussi fascinant que fasciné… par des choses qui parfois nous échappent !


Microbe et Gasoil prend encore plus cet aspect autobiographique puisqu’il parle de l’adolescence, période chère à Gondry. En situant l’action à Versailles (là où il vécut) avec des personnages très inspirés de ses souvenirs de jeunesse, il confronte ce qu’on pourrait appeler « la norme » à des personnalités particulières par leurs manières d’être et de penser. L’adolescence agitant tout cela comme un shaker, quand les repères changent et les remises en questions se multiplient. Forcément, les gens les plus intéressants sont les esprits atypiques et torturés, ce qui donne à Michel Gondry toute la marge pour libérer sa créativité. Lui même rêveur marginal assumé, ses productions ont toujours le mérite d’être honnêtes et un minimum empathiques. Bon ok, on ne compte pas The Green Hornet.


Les aventures des deux ados sont rafraichissantes, jouant de leur recherche d’aventure et d’indépendance encore teintée de naïveté juvénile. Au delà des prétentions amoureuses énervantes des demoiselles aux dents baguées, le duo d’acteurs principaux convainc tout à fait. Mention spéciale pour Théophile Baquet dont le charisme et l’assurance transpire dans chacune de ses répliques bien souvent croustillantes ! Car oui, Microbe et Gasoil est aussi un film bien écrit qui fait (sou)rire sans peine. Une narration impeccable d’un film qui se mue en sympathique roadmovie dans sa seconde partie.


Évidemment, chaque film de Gondry a son objet saugrenu mais toujours captivant, fruit d’un bricolage romantique d’idées. Le lit-maison-voiture est la troisième tête d’affiche du casting, invisible aux yeux de nombreux moldus alors que sa destruction nous ramène à une injuste réalité, où finalement le rêve n’est pas si fantaisiste. Néanmoins, cette vision fantasmée de la jeunesse ne colle pas à une réalité adolescente en 2015. Sans doute un peu vieux jeu dans le fond, l’imaginaire de Gondry se fonde plus sur des souvenirs. Je doute fort que les ados verront ce film aux profits de quelques bobos quarantenaires montrant finalement que Microbe et Gasoil est un film très personnel. La bande annonce avec Ca Plane Pour Moi, que l’on n’entend pas dans le film, est quand même un bel aveu de désuétude.


Considéré comme le film ultime de la filmographie de Michel Gondry (à raison), Eternal Sunshine of the Spotless Mind est un bijou de mise en scène, de narration et de créativité. Cette verve n’a pas disparu, même si elle émerge de manière inégale parmi ses films. Voilà donc une bonne chose que de la retrouver dans ce Microbe et Gasoil, plus terre à terre qu’habituellement sans pour autant renier son style. Frais, drôle, léger mais pas tant que ca, cette production 100% française a de quoi plaire aux vieux nostalgiques comme aux jeunes adultes en quête du fantasme d’une absolu liberté.

ZéroZéroCed
7
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le 21 sept. 2016

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ZéroZéroCed

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