Avec son dernier film, Ari Aster vient questionner le spectateur, lui proposer une plongée dans une angoisse larvée, qui mûrit sous le soleil, dans une nature qu’on célèbre, à 10 000 lieues de ce qu’on attend d’un film horrifique.


Tout est fait pour qu’on se laisse porter dans l’histoire, bercés par des images soigneusement composées. On a beau anticiper les évènements, on ne peut deviner la manière avec laquelle ils surgiront, et surtout, on sait que si on a pu les voir venir, ce n'est pas parce qu'on est particulièrement doué mais bien parce qu'on nous a mené à les imaginer, on nous montre même une fresque qui résume tout en début de parcours. Autant dire que ce n'est pas sur le terrain du suspens de midsommar sort son épingle de la botte de foin.


En débutant son film avec une héroïne en pleine crise de panique, c’est comme si le réalisateur nous disait “bon ça c’est fait, maintenant passons aux choses sérieuses”.
La présentation aura eu pour effet de faire douter de la santé mentale de Dani, impression renforcée par le trajet en voiture sur une route serpentant entre les arbres qui rappelle l’arrivée dans l'hôtel de shining.
Le but est-il de faire comprendre au spectateur qu’il faut douter de ce qu’on verra par la suite?
C’est ce qu’on peut penser dans un premier temps, mais la conclusion vient à nouveau soulever de nouvelles questions: et si l’horreur c’était de se rendre compte qu’on vit dans une société qui a tout faux? Et si les vraies solutions pouvaient venir d’une organisation différente, d’une manière de penser la vie - et la mort comme un tout, de voir l’individu comme un rouage, qu’on peut remplacer au besoin?
Après tout le plan en voiture annonçait cette nouvelle perspective en proposant un renversant passage du monde tel qu’on le connaît à celui de la communauté.
Midsommar n’est pas qu’un long métrage maîtrisé, c’est aussi une belle base de réflexion: on peut penser le cheminement de Dani comme une perte totale de conscience ou au contraire comme une ouverture à une nouvelle forme de vie, à de nouveaux choix.
Et c’est là que le film atteint sa cible: parce que même plusieurs jours après l’avoir laissé macérer, on s’interroge sur ce qu’on a vu.


Voilà une œuvre qui décontenancera surement ceux qui venaient chercher des frissons faciles mais qui récompensera ceux qui lui auront prêté attention et qui se seront laissés séduits par cette plongée dans un monde aussi beau que perturbant.

iori
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le 13 août 2019

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iori

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