L'industrie touristique en Suède vient de mourir

Attention, avant visionnage, si tu as déjà vu :
• « Hérédité »,
• « 2001 Maniacs »,

• « The Wicker Man » (la version avec Christoper Lee ou le nullissime remake avec Nicolas Cage)
• Et la série « Viking » (en particulier l'épisode « L’aigle de sang »),
Midsommar n'aura pas sur toi l'effet escompté, sauf si ton taux d’empathie est supérieur à la normale.


Horreur contemplative


13 Juin 2018, le monde du cinéma fait la connaissance d'Ari Aster, nouveau venu dans le genre horrifique, bien décidé à poser sa patte en bousculant un peu plus la routine des fans du genre. 31 Juillet 2019, pas le temps de se remettre de ses émotions, nous voila face à Midsommar, nouvelle œuvre dérangeante, glauque et psychologique bousculant tous nos sens.


Ari Aster doit forcément avoir des trucs qui ne tournent pas rond dans sa tête. Contrairement à Hérédité, vous réussirez à tenir jusqu’au bout de Midsommar et ses 2h30 de lenteurs jamais ennuyeuses, plutôt euphoriques et mystérieuses. Une fois lancée dans l’histoire, vous voila poussé par la curiosité. Que ce passe-t-il dans ce festival ? Qu’adviendra-t-il de la jeune Dani traumatisée par une tragédie l'ayant laissée avec de terribles séquelles psychologiques? Elle pensait qu'en partant loin de tout en vacances en Suède avec son petit ami Christian et ses potes, elle pourrait se reconstruire. Elle va très vite comprendre que le sort n'a pas fini de s’acharner sur elle. Son aventure sera psychologique, la vôtre la sera tout autant.



Bienvenue à Hårga et joyeux Midsommar!



Ari Aster aime malmener vos sens et accentuer l’effet immersif de ces œuvres. Midsommar ne déroge pas à la règle. Immersion totale en entrant à Hårga, tranquille et majestueuse Hårga vous accueillant à bras ouverts sous une mélodie un peu « redondante » jouée à la flute par deux musiciens. Le quotidien de cette communauté est bonne… en apparence. De la consanguinité dans l’air ? Cannibalisme ? Sorcellerie ? C’est bien pire ! Contrairement à Hérédité et sa dureté d’images et de dialogues, Midsommar la joue manipulateur/endoctrineur en mode Hippie où on ne va pas vous montrer tout de suite les réelles intentions des Hårgariens.


On va semer de ci de là des petites choses étranges, montrer des séquences choquantes que les gens saints d’esprits ne pourront ignorer mais seront vite calmés par les justifications presque rassurantes/plausibles de leurs hôtes, jusqu’à terminer par une dernière demi heure cauchemardesque ne leur donnant plus DU TOUT raison.


Dans Midsommar, un comportement suspect, une phrase anormale prononcée, un objet, un lieu, chaque détail à son importance. Jouer les investigateurs en regardant un film, ça j’aime. Difficile de se sentir à l’aise dans cet environnement supposé avoir l’effet inverse, impossible de faire main basse sur ces choses supposées anodines. Quelque chose ne tourne pas rond. Le soleil prend un temps monstrueux à se coucher et quand enfin il laisse place à la nuit cette dernière ne reste pas longtemps. Résultat, protagonistes et spectateurs perdent leurs repères au point de ne plus savoir depuis combien de temps ils sont arrivés à Hårga. Comme je le disais précédemment, la plupart du temps, il ne se passera rien d'horrible, MAIS, certaines scènes chocs vous interrogerons sur les réelles intentions des ses hommes et femmes gentillets en apparence.


Hormis Josh (l’attachant Chidi de The Good Place), difficile de s'attacher aux personnages principaux. Christian le petit ami qu'on ne sent pas du tout depuis le début et qui nous dégoute au plus haut point par son comportement et ses agissements, Mark le roux guidé par sa zigounette, Pelle le pote qu’on met à part pour la simple raison que son comportement de type compatissant cachant des dessins dans un petit bouquin est suspect. Quoiqu’il en soit, on se contrefiche de ce qui peut leur arriver à Christian et ces copains. En ce qui concerne Dani, là par contre, l’effet est inversé. Dani bouleverse, pas un peu, beaucoup.


Après toute la souffrance vécue à ses cotés lors de l’introduction, difficile de ne pas jouer les protecteurs à son égard. Cette terrible tragédie ayant frappée sa famille, puis ses problèmes psychologiques déjà pesants additionnés à cette peur panique et paralysante de perdre son petit ami font de Dani un personnage fragile. Voila que la pauvre jeune femme, sans réel soutient, sans réelle personne pouvant la comprendre et ressentir sa souffrance, obligée de s’isoler continuellement, doit faire face à une nouvelle épreuve et celle-ci pourrait lui être fatale.


Dès lors, à travers les situations vécues par notre jeune femme, l’on comprend que Midsommar met en avant manipulation et endoctrinement. Le jeu de Florence Pugh (Une famille sur le ring) tout en authenticité marche au point de nous faire éprouver attachement et compassion à son égard. Christian, Mark, Josh et Pelle peuvent y passer, pas touche à Dani ! Il ne doit rien lui arriver de funeste, le réalisateur doit lui offrir la paix qu'elle mérite. Foi d’Ari Aster, tout ce ne passera pas comme on le souhaitait.


Méfiez vous des Hårgariens!


Hårga, au départ, on y resterait presque à vie. Toutefois, l’environnement verdoyant loin de toute civilisation où on se sent compris, connecté autres, presque en paix avec nous-mêmes, nous plonge dans un état de mal être s’amplifiant de plus en plus. Un peu trop de roux au regard vide (quand on te dis que les roux n’ont pas d’âme, tu dois croire à cette légende), une jeune femme au visage tout boursoufflé/défiguré montrée furtivement et nous renvoyant à la petite Charlie de Hérédité (ne vous essuyés pas le visage avec des orties), la mise en avant de rites/symboles/traditions nordiques, les danses folkloriques un peu trop joyeuses exécutées par des gens un peu trop joyeux et accueillants, un dortoir où hommes et femmes dorment ensembles dans des lits séparés dans le but d’éviter toutes formes d’impuretés, pas de doutes, c’est trop beau pour être vrai, à Hårga, il doit se passer des trucs zarbis. Il VA se passer des trucs zarbis.


Cette petite tapisserie « survendue » contant la « jolie » histoire d’amour d’Adèle a confirmée mes suspicions. A Hårga, on n’a pas la même définition de ce que représente « l’amour » et la signification de « tomber amoureux ». Quand en plus quelques membres de la communauté s’emportent ENFIN parce que cette andouille de Mark à uriné malencontreusement sur l’arbre mort où reposent les ancêtres des Hårgariens, tu te dis que cette confrérie non violente et effrayante de par son laxisme, un rien peut remettre en question la jolie image que tu te fais d’elle. Tu es encore loin du compte.


Sous tout ce déluge de bienfaisance, les petits détails mettant la puce à l’oreille s’accumulent et l’effet manipulateur de nos Suédois vêtus de blanc n’aura aucun effet sur les férus d’horreur. Les dessins tapissés dans les dortoirs, la table de repas commune où si tu es un temps soit peu intelligent, tu te méfieras du contenu de ton verre et de ton assiette, cette hutte « illuminatis » en bois de couleur jaune qu’il est défendu de visiter, plus on explore Hårga, plus l’envie de prendre la fuite se fait ressentir. En toute logique, après ce passage traumatisant montré à 1heure de parcours, tout être saint d’esprit rentrerait dans le dortoir faire son paquetage et fuirait illico presto Hårga pour rentrer dans son pays. Pas dans Midsommar. Juste deux visiteurs tenteront de fuir. Les autres non. Où ces derniers sont trop stones à cause des substances qu’ils ont fumé/inhalé/avalé, ou il leur manque une case. Tout bon fan d’horreur sait que sans ses personnes là, les films du genre seraient vite conclus, mais les réactions de nos héros peines à convaincre.


Pourquoi je comprends qu’on qualifie ce film de chef d’œuvre...


A cause de la dureté de ses propos, Midsommar, un visionnage suffit, à la rigueur un second pour la version longue histoire de boucler la boucle, moins frustrer les plus curieux demandant plus amples explications concrètes et non dissimulées. Contrairement à Hérédité, Midsommar, je n’ai pas réussi à le prendre autrement qu’au second degré. A la rigueur pour tous les éléments entourant le personnage de Dani. Sur ce point, l’effet horreur était au rendez-vous. Le reste non. Si vous avez vu un bon paquet de films d’horreur allant de l’œuvre soft aux films plus tordus les uns que les autres, Midsommar peinera à réellement vous horrifier. En tout cas pas sous sa forme habituelle. C’est une certitude, ce film ne plaira pas à tout le monde. D’ailleurs, ces mêmes personnes ne comprendront pas comment les autres ont pu le qualifier de chef d’œuvre.


Il est vrai que certains points peuvent en rebuter plus d’un: intrigue simpliste et linéaire, peur se montrant le jour et non la nuit, trop plein de thématiques, métaphores, symbolique et sens caché, votre cerveau doit travailler pendant 2h30 pour ainsi comprendre où toute cette histoire voulait en venir. La lenteur est voulue, l’enjeu, parait mal développé. Tout n’est qu’apparence, tout à un sens si tenté que vous ayez l’envie de prendre le temps de réfléchir à ce que vos yeux ont vus et vos oreilles entendues.


Quoiqu’on puisse en dire, Midsommar offre un univers riche et de nombreuses métaphores montrées par le biais de l’horreur physique et psychique. La photographie et la mise en scène d'une beauté renversante exposent de sublimes plans contemplatifs jusqu'à rendre presque poétiques certaines séquences horrifiques (Midsommar a des petits airs d’œuvres signées Wes Anderson…déstabilisant), la bande originale est magistrale, le travail sur la construction détaillée et de la culture mystique d'Hårga fait son petit effet, le message transmis est dur mais intelligent. Oui, cette œuvre mérite son statut de chef d’œuvre. Quant au jeu des acteurs, hormis Jack Reynor et son visage de constipé "encore plus accentué lors d'un passage proche de la fin du film", je reste objectif, je n’ai pas de critique négative à faire.


…Et pourquoi finalement je ne l’ai pas tant aimé


Visuellement, Midsommar est à l’image des films d’aujourd’hui : trop prévisible. Tout est téléphoné et évident malgré la sensation d’immersion, le soin apporté à la mise en valeur du lieu/des personnages et le fait que le cauchemar annoncé, il est bel et bien présent sous une autre forme. Pour aller encore plus loin dans la frustration, ses 2h30 sentent les scènes coupées à plein nez. Certains points sont survolés alors qu’ils méritaient qu’on s’y attarde afin de ne pas nous donner ce sentiment d’inachevé en bout de parcours.


La version longue corrigera-t-elle cette erreur ? Impossible de savoir. Tout ce que je sais, c’est que rendre « beau » l’horreur et la souffrance d’autrui, qui plus est, une personne remplie d’innocence, je ne suis définitivement pas fan. L’histoire ne c’est pas terminée comme je l’espérais « naïvement », l’ambiance paisible cachant plein de trucs malsains m’a mis mal à l’aise, l’acharnement psychologique sur le personnage de Dani déjà bien handicapée m’a fait souffrir, les scènes d’horreur je les ai déjà vu et revu dans d’autres films un peu plus fun que celui-ci. Oui Midsommar est un chef d’œuvre, non je ne l’ai pas aimé comme un Conjuring ou Shining. Au moins j’ai tenté.

Jay77
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le 13 nov. 2019

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