Ebahi, transi, touché, troublé, voici comment m’a laissé Midsommar au terme des - presque 3h - du Director's Cut. Les images, les dialogues m'ont poursuivi et je l'ai regardé de nouveau quelques jours plus tard, toujours avec autant de fascination.


Il ne faut pas s’arrêter au qualificatif de film d’horreur. Midsommar n’est pas un film de genre, contraint par des codes, obligé par les attentes d’un certain public, mais un film entier et libre qui nous parle, in fine, de société humaine.


Certes, les images seront choquantes, et, eros ou thanatos, la chair et les os mis à nu. Certes l’atmosphère sera rendue irrespirable par la duplicité d’une communauté. Certes l’on disparaîtra, un à un.


Mais ce qui se déploie de manière plus intéressante encore, ce sont les manières dont deux sociétés traitent l’individu, ses souffrances et ses espoirs, comment elles organisent ses rites, les relations, comment elles se rapportent au temps. Cette mise en évidence se réalise par la rencontre tragique entre de jeunes occidentaux incarnant la société contemporaine et la communauté d’Harga. La mise en scène de l'arrivée des jeunes dans la communauté est un des premiers temps forts du film, la caméra s’élève et se retourne, la voiture fait place à la marche, les habits changent, les drogues psychédéliques mettent à nu les peurs, et le chemin en forêt, enfin, fait entrer comme dans un conte dans un autre monde. Dans ce dernier, des règles, des rites, et les travers individualistes de chacun des Américains apparaissent de plus en plus clairement : Josh ambitieux égocentrique, Mark dragueur angoissé, Christian lâche et oisif, et au milieu d’eux, Danny, effacée, soumise et traumatisée par un drame familiale.


Danny est l'héroïne de ce film, bien sûr, et c'est son histoire en premier lieu qui incarnera la dureté de notre société, sans place pour sa soeur dépressive, pleine de duplicité même entre amis, et incapable d'aider Danny à digérer le drame qui l'a touché. Danny y découvre, dans une mise en scène réglée par la communauté, le confort des règles de vie, l'abandon dans la transe, l'amour de nouvelles soeurs et la force d'une empathie exprimée sans retenue, de manière animale.


Une mise en scène, bien sûr, car le scénario est écrit par avance par l'ami suédois qui organise le voyage, et par la communauté. Ecrit et dessiné sur les murs et les toiles, une preuve, comme le sont nombre de dialogues, aussi fascinante qu'effrayante, de la finesse pyschologique et de la méticulosité d'organisation du peuple d'Harga....


Ces qualités sont également celle d'Ari Aster, artiste qu'on imagine perfectionniste, maîtrisant les images et symboles que des visionnages ultérieurs feront apparaître, et qui, avec l'aide d'une équipe technique qu'on doit également louer, propose une photographie lumineuse, des costumes fascinants, des musiques mémorables, un traitement sonore parfait et un montage qui l'est tout autant.

LeVieuxGary
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le 3 janv. 2020

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