Tout juste un an après la claque et le choc du terrifiant Hérédité, le réalisateur Ari Aster revient avec un second long métrage tout aussi réussi. C'est donc avec bonheur que l'on tend l'autre joue pour se prendre une nouvelle baffe magistrale qui impose dores et déjà le réalisateur comme une référence auprès des fans de cinéma horrifique lassés par une décennie de productions post Insidious désincarnées, formatées et manufacturés à la chaîne.


Dans Midsommar on suit essentiellement le personnage de Dani, une jeune femme fragile qui vient de subir un terrifiant drame familiale et dont le couple naissant bat déjà de l'aile. La jeune fille décide pourtant de suivre son petit ami et sa bande de potes en Suède pour rejoindre le temps d'une semaine une communauté reculée qui s'apprête à célébrer le solstice d'été …


Midsommar est un film radicale et exigeant jusque dans sa durée (2h50 pour sa version director's cut) qui devrait fatalement diviser les opinions comme le font toutes les œuvres qui place en exergue les exigences de l'artiste avant toutes considérations et préoccupations mercantiles. Le cinéma horrifique de ses dernières années s'est doucement mais insidieusement fondu dans le moule de l'industrie pour finir par proposer un cinéma qui reprend trop souvent ad-vitam les mêmes recettes et mécaniques de jump-scares et de train fantôme afin de séduire le public et comble de l'ironie lui offrir l'horreur confortable d'un spectacle rassurant car codifié à l'extrême. Avec Midsommar, Ari aster replace l'horreur dans une dimension éminemment plus psychologique et nous offre un film à l'ambiance pesante, lourde et angoissante. Sans le moindre artifices de mise en scène, avec un recours des plus modéré aux effets spéciaux et avec simplement deux trois scènes chocs Ari Aster parvient à construire un monument d'angoisse d'une puissance sensorielle qui hante le spectateur bien après la fin du film. Il suffit parfois d'une simple et discrète distorsion de l'image pour que le film prenne une dimension étrange et poétique à l'image de cette fleur semblant respirer sur la couronne de Dani. Ari Aster prend aussi le temps de nous immerger totalement au cœur de cette communauté afin de nous faire vivre de l'intérieur tels les personnages du film les différents rites et cérémonies. Peut être moins frontalement effrayant que Hérédité, Midsommar installe pourtant un sentiment d'angoisse assez profond qui culminera lors des dernières cérémonies païenne comme celle de la fécondité digne d'une messe noire version lumineuse. Quant au final qui mélange densité dramatique, angoisse et folie avec l'emphase d'un requiem porté par la musique envoûtante de Bobby Krlic elle est d'une beauté à vous foutre la chair de poule et les larmes au yeux


Si Hérédité était un film plutôt sombre , Midsommar est un film étrangement lumineux et coloré à l'aveuglante douceur printanière. Le film baigne dans une lumière crue, la photographie est radieuse et il en résulte la sensation de vivre le plus doux des cauchemars. Le soin méticuleux apportés aux cadres, aux costumes à la blancheur virginale, l'élégance de la mise en scène, la beauté de l'image tout concorde à plonger le spectateur dans une étrange ambiance cotonneuse et paisible à la fois douce et profondément angoissante. Au delà même du cinéma de genre, Ari Aster s'impose tout simplement comme un très grand réalisateur qui convoque les grands esprits de John Boorman, Peter Weir, Stanley Kubrick, Polanski et bien sûr Robin Hardy le réalisateur de The Wiker Man . Le film est d'une densité folle et il multiplie les séquences marquantes qui vous restent en tête et vous collent à la peau bien au delà de la vision du film comme la glaçante découverte du drame familiale qui secoue Dani, le choc de la première cérémonie des anciens ou cette danse proche de la transe qui vient couronner l'élection de la reine de mai . L'étrangeté du film s'en va même parfois flirter jusqu'au comique lorsque les comportements , gestuels, poses et chants des membres de cette curieuse communauté nous semblent soudainement ridicule au point de faire naître parfois un sourire un peu crispé.


Le film se concentre donc en grande partie autour du personnage de Dani, interprétée avec force et émotion par la jeune actrice britannique Florence Pugh. Il suffit d'une seule scène au début du film pour nous convaincre de la puissance de l'interprétation et de toute la fragilité du personnage. Lorsque Dani tente de garder le contrôle de ses émotions en parlant à son petit ami au téléphone alors que ses yeux trahissent un profond désespoir et une terrifiante angoisse on est totalement bouleverser. Midsommar est un film riche qui pourra s'appréhender comme le récit symbolique d'une dépression avec différentes étapes comme l'acceptation du deuil, l'émancipation personnel et une forme de rédemption aux autres... Le film traite aussi en sous texte des mécaniques d'embrigadements aux sectes et religion qui vampirise les douleurs des plus fragile pour leur offrir ensuite l'illusion d'appartenir à une nouvelle famille spirituelle. Le parcours de Dani est assez bouleversant et l'on est à la fois touché de la voir s'extirper de son désespoir et d'une relation nocive et triste de la regarder doucement sombrer et se fondre à cette communauté. J'ai parfois lu que les autres personnages étaient caricaturaux et que leurs comportements n'étaient pas très cohérent surtout lorsqu'ils décident de rester dans cette communauté alors que tout semble déraper autour d'eux. Pourtant il fallait sans doute forcer un peu le trait pour comprendre précisément leurs motivations, si Josh et Christian restent c'est avant tout par carriérisme et l’obsession égoïste d'écrire une thèse choc que leur ouvrira les portes d'un avenir radieux, quant à Mark il reste tout bêtement parce qu'il est très con et que tout ce qui se déroule autour dans cette communauté lui passe largement au dessus de la tête. Il me semble donc que les agissements des différents personnage est simplement le fruit de leurs caractères respectifs.


Midsommar est une film magnifique qui fait de Ari Aster l'un des réalisateur les plus passionnant de ces dernières années. Visuellement superbe, dense et intense dans ce qu'il nous raconte, Midsommar n'est pas de ses films qui se regardent et s'oublient presque immédiatement ; tout au contraire le film se vit comme une expérience et il laisse des traces profondes dans les cœurs et les esprits.

freddyK
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le 1 janv. 2020

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