Restez jusqu’à la fin. Quand on termine le film Mignonnes de Maïmouna Doucouré, tout ce qu’on veut dire aux autres personnes qui veulent le regarder c’est "Restez jusqu’à la fin". Oui ce film peut gêner, oui ce film peut provoquer des situations de malaise, mais ce film va vous scotcher.


Le film raconte l’histoire de Amy, une jeune fille sénégalaise de 11 ans qui emménage avec sa mère et ses 2 frères dans le 19e arrondissement à Paris. À l’école elle fait la connaissance d’un groupe de 4 filles, les "Mignonnes", qui sont passionnées par des danses comme le twerk ou autres, ce qui va l’intriguer, puis la captiver. Le récit va donc être séparé en 2 parties à savoir sa relation avec ces filles, puis sa relation à la maison avec sa mère, dont son mari se marie avec une autre femme et l’amène à la maison.


Dès le synopsis on se rend compte qu’on va avoir affaire des petites filles de 11 ans qui vont twerker devant nous et ce durant 1h30, ce qui peut et va déstabiliser, pourtant ce n’est en rien mauvais, bien au contraire. Durant tout le film le montage va être souvent basé sur des raccords regards de Amy quand elle observe tout autour d’elle un environnement qu’elle ne connaît pas encore ou bien des traditions de sa famille que là encore, elle ne connaît pas. Ainsi le postulat du film se pose : on suit le point de vue de la petite, c’est pour ça que lors des scènes de prières celle-ci va regarder en l’air pour observer ce qu’il y a autour d’elle, puis une coupe va être effectuée pour l’intégrer avec toutes les autres personnes qui prient, mais en plan large, comme si elle était noyée dans toute cette tradition et qu’elle ne savait plus où se situer. Ce n’est pas pour rien si elle va chercher à s’enfermer dans la danse pour s’éloigner de ces traditions qui elles aussi enferment sa famille.
À la maison elle fait face à un père absent, qui n’arrivera qu’à la fin du film pour son mariage mais qu’on ne verra jamais de tout le film (tout comme sa nouvelle femme qu’on ne verra seulement sous ses draps blancs de mariée, là encore une tradition racontée à Amy qu’elle a du mal à accepter) ; à une mère qui doit surmonter sa tristesse quant à ce nouveau mariage (la scène où Amy apprend la nouvelle étant incroyable d’indifférence et de froideur, ce qui la rend encore plus magique) ; à une grand-tante qui ne fait que lui répéter qu’elle doit être une femme, qu’elle va bientôt être mariée qu’elle doit savoir cuisiner… ; à ses petits frères qu’elle entend souvent crier et dont elle doit souvent s’occuper (on comprend ça grâce à un montage son toujours sur le fil et très bien millimétré).


D’un autre côté le groupe de filles qu’elle rencontre lui propose de se libérer un peu, et c’est pour ça qu’elle se sent autant attirée par elles. Les dialogues sont absolument savoureux et regorgeant de réels, les filles n’en font jamais trop, sont parfois attachantes et on rigole avec elles par certains instants. Oui on rigole devant des filles de 11 ans qui parlent de twerker ou qui essaient de draguer comme elles peuvent et qui ont parfois un comportement immature, et c’est fort, c’est très fort. On ne va jamais cautionner les situations embarrassantes dans lesquelles elles vont se mettre, surtout Amy qui va souvent vouloir aller trop loin (ce qui est peut-être l’un des seuls défauts que je peux faire au film, à savoir que le film parfois va un peu trop loin en restant toujours dans un esprit réaliste) et qui va donc devoir se rattraper en postant différentes choses sur les réseaux sociaux car oui, on va pouvoir sortir devant ce film une phrase de vieux cons que je dis quand même du haut de mes 18 ans et que je ne respecte jamais : "Quand même ça rend con les réseaux sociaux". Oui les enfants y sont exposés trop tôt et de manière trop fréquente dans ce film, à 11 ans les filles sont déjà en train de se dire combien de likes elles vont avoir et les garçons sont déjà en train de les insulter de tous les noms car au final tout le monde se croit tout permis, tout comme les plus vieux (qui doivent avoir 14 ans, relativisons) qui essaient de draguer les petites de 6e. Tous les enfants essaient de se sentir plus grands mais personne ne veut forcément ressembler à ses parents (qui souvent ne sont même pas là), allant jusqu’à eux-aussi les ignorer en se sentant trop poussés des ailes. Mais si le film peut nous mettre face à nos principes les plus catholiques avec ces twerks imposants juste devant notre nez, il se rit aussi de lui-même en exagérant certains instants, sortant là d’un aspect un peu réel mais permettant de prendre du recul sur ce qu’il montre.


Mignonnes c’est une claque car c’est osé, ça sait doser les larmes de ses personnages pour ne jamais tomber dans le pathos, c’est une révélation pour les actrices de ce film et c’est une œuvre importante contre certains mœurs de notre société qui, au final, ont l’air d’avoir pris un petit coup de vieux. Alors la plus grande question qu’on peut se poser est sans doute où le film veut nous mener, et tout prend forme à la fin, quand on comprend pourquoi la fille faisait tout ça, pourquoi elle essayait de se montrer, pourquoi elle essayait de se chercher elle-même à un âge où on découvre beaucoup de choses sur soi mais aussi sur le monde qui nous entoure. Les solutions peuvent être parfois extravagantes et ce ne sont pas forcément les meilleures, mais dans ce cas cela veut dire que les adultes ont manqué quelque chose et dans le cas de ce film ils n’ont pas su donner un bon équilibre à Amy, perdue entre traditions et nouveauté, entre sa famille et ses amies, entre les adultes et ceux qui veulent le devenir, alors qu’il n’y a pas de mal à être un enfant de temps en temps.

NocturneIndien
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le 7 avr. 2020

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