Lisbeth et Mikael contre les vieillards cacochymes

... Et voilà que, alors que je ne m'attendais qu'au pire après un mauvais second volet, "la Reine dans le Palais des Courants d'Air" est un bon film, bien supérieur en tous cas à la conclusion de la trilogie "Millénium" sur papier, bâclée par Stieg Larsson. Non pas que formellement, Alfredson soit d'un coup devenu un cador de la mise en scène : non, on reste globalement dans le télévisuel moche et bas de gamme ! Mais quelque chose "prend" dans ce suspense paradoxal d'une lutte un peu abstraite entre deux organisations, suspense à peine énergisé par des scènes d'action aussi peu nombreuses qu'efficaces, cette fois. La gestion du rythme, criticable dans le film précédent, fonctionne ici parfaitement, permettant une immersion délicieusement lente aux côtés de Mikael et Lisbeth jusqu'à ce que le piège se referme - enfin ! - au cours d'une longue scène de procès parfaitement réussie : c'est quand même fou ce que le genre "film de procès" est efficace, cela mériterait une thèse sur l'adéquation de la forme cinématographique à ces codes de déroulement de l'action tellement spécifiques - mais elle doit bien sûr exister ! Cerise sur le gateau, Noomi Rapace excelle dans cette troisième incarnation (le mot est inévitable, vue sa performance...) du personnage de Lisbeth, femme brisée dont on comprend enfin ici toutes les souffrances. On peut trouver la conclusion de la trilogie un peu trop optimiste, par rapport au potentiel de son sujet, si l'on réalise que cette organisation de politiciens et de bureaucrates corrompus, devenue une bande de vieillards cacochymes, a quand même traversé sans encombres plusieurs décennies de l'histoire politique suédoise, mais on ne peut que se réjouir de l'énergie qu'a déployée "Millenium" à prendre le parti des femmes, battues, violées, opprimées, humiliées, même dans nos démocraties occidentales si imbues de leur supériorité morale ! C'est ce combat, encore bien rare dans le contexte assez machiste des thrillers, qui fait le prix et qui nous aide à pardonner bien des errements de "Millénium"... [ Critique écrite en 2017]