Note : Je tiens avant tout à préciser que je ne comparerai pas le film avec l'oeuvre originale, que je n'ai pas lue. Cependant, j'ai vu l'adaptation suédoise à plusieurs reprises. Il se peut donc que j'y fasse allusion. Cette mise au point effectuée, je peux commencer.

Fincher m'avait déjà ennuyé avec "Zodiac", et "The social network", mais il avait également réussi à m'émerveiller avec "Fight club" et "Benjamin Button". C'est donc avec pas mal d'espoir que je suis allé voir "Millénium", même si je dois admettre que Rooney Mara ne m'avait pas fait bonne impression lorsque les premières images d'elle en Lisbeth sont apparues un peu partout.
Qu'à cela ne tienne, j'ai mis mes aprioris de côté !

Le film démarre sur une note stupéfiante : le générique, très stylisé, est d'une originalité et d'un dynamisme étonnants. Rythmée et bluffante, cette entrée en matière est simplement magistrale.
Malheureusement, ce moment ne dure pas, et l'enthousiasme des débuts s'estompe rapidement, au fil d'une intrigue qui peine à démarrer et qui se perd en longs discours explicatifs. Fincher pose les jalons d'une histoire alambiquée et n'en finit plus de nous présenter les protagonistes avec un didactisme ennuyeux et, paradoxalement, on assimile difficilement toutes les informations qui nous sont données. De plus, le récit est à mon sens trop morcelé, les alternances incessantes entre les personnages de Mickael d'un côté et Lisbeth de l'autre confèrent au film un aspect fragmentaire peu appréciable. La version suédoise faisait preuve de plus de fluidité dans sa manière de nous planter le décor.

Par ailleurs, il faut avouer que Fincher fait dans le cliché : Suède neigeuse, Suède pluvieuse, Suède glaciale, "Pôle Nord", paysages brumeux... Il fait froid. C'est un polar nordique. On a compris. A trop vouloir instaurer une atmosphère de thriller glaçant, le réalisateur finit par s'enliser dans une vision beaucoup trop caricaturale de la Scandinavie.

Fincher a opéré une mise en scène assez académique qui souffre de longueurs, et une certaine platitude se dégage de ce film, tandis que son homologue suédois parvenait plus efficacement à installer suspens et glauquitude. C'est une ambiance bien trop sage et trop lisse que le cinéaste dépeint ici. Même les scènes dont on attend beaucoup, comme celles des deux viols, ne sont pas aussi intenses que dans le film d'Oplev. Il manque quelque chose.

Est à déplorer également l'absence de message féministe : alors que les héroïnes d'Oplev étaient fortes, indépendantes et émancipées, Fincher semble être revenu au schéma patriarcal réconfortant qui veut que les femmes soient des créatures vulnérables et sentimentales qui aiment avoir des hommes pour les protéger et des épaules sur qui pleurer. Lisbeth se laisse ici aller à ses sentiments, elle tombe amoureuse de Mickael qui, lui, entretient tranquillement une double relation... Ce n'est pas la Lisbeth à laquelle j'étais habitué. Cette Lisbeth là n'aurait jamais succombé si facilement aux charmes du journaliste et n'aurait sûrement pas baissé sa garde aussi rapidement. La Lisbeth fincherienne se mue en pauvre petite créature qui ne demande qu'à être aimée, alors que celle incarnée par Noomi Rapace était, en plus d'une warrior, une véritable femme fatale.

Ce qui m'amène tout naturellement à proclamer mon amour pour Noomi Rapace et ma consternation face aux choix de jeu de Rooney Mara, actrice "tête à claque" qui met en avant le passé de victime de Lisbeth, avec un regard de chien battu hors de propos et un charisme beaucoup moins certain que celui de Rapace, tout bonnement géniale. Frêle mais virile, paumée mais débrouillarde, sous tutelle mais autonome, Lisbeth est une force de la nature ici réduite à néant, puisque Rooney Mara, peu convaincante en androgine dure à cuire, minimise considérablement l'impact qu'aurait pu avoir "Millénium" sur le spectateur.

Restent quelques bonnes surprises : Daniel Craig, sobre et juste (même si les nombreux plans sur son torse de star hollywoodienne contribuent à la décrédibilisation de son personnage), et l'affrontement final entre Mickael et le génial Martin (Stellan Skarsgard, au top), qui fait monter la tension psychologique à son paroxysme, s'avérant être une des rares scènes plus réussies que dans l'original.

En conclusion, "Millénium" amène le spectateur à s'interroger sur la réelle nécessité d'un remake qui ne porte en rien l'originalité de Fincher et qui reproduit à peu près les mêmes effets que le film d'Oplev. Pas de changements ni d'apport considérables, si ce n'est un générique parfait et un face à face psychologique final à la hauteur des attentes. Mais rien ne remplacera la vraie, l'authentique Lisbeth, incarnée à la perfection par une Noomi Rapace dont l'absence se fait plus cruelle à chaque plan.
williamblake
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le 24 janv. 2012

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