Avec Mimosas, Oliver Laxe s’inscrit dans les pas d’une tendance qui, de Gerry (Gus Van Sant, 2002) jusqu’au récent Jauja (Lisandro Alonso, 2015), associe le déplacement des corps dans d’immenses espaces vides et désertiques à une expérience sensorielle radicale, par laquelle s’invite une ambition d’ordre métaphysique. Si le film de Van Sant pouvait compter sur la toute-puissance d’une mise en scène qui épuisait les possibilités du medium jusqu’à l’hypnose, et celui d’Alonso sur une mythologie du lointain et du secret, une poétique à la fois sèche et sensuelle, pour asseoir respectivement leur puissance d’envoûtement, Mimosas manque trop de caractère pour soutenir la comparaison. Le résultat se révèle cependant moins décevant que déceptif – peut-être parce qu’à rebours des attentes, le projet d’Oliver Laxe est plus modeste. Le cinéaste ne succombe pas à la tentation d’un certain formalisme propre au genre, et le récit, certes très obscur, ne fait pourtant que recouper une trajectoire classique de survival – les membres d’un groupe succombent les uns après les autres, au gré des dangers qui jalonnent leur parcours –, la dévitalisant au passage de toute intensité spectaculaire.


L’argument de départ – convoyer un mort dans un environnement hostile en vue de lui offrir une sépulture – pourrait presque évoquer lointainement celui du Fils de Saul (Laszlo Nemes, 2015), sans la dimension absurde ni l’acuité allégorique. Au gré d’un découpage en chapitres à la signification fuyante, le récit se déploie selon une logique d’épure quelque peu poussive, où se télescope assez scolairement errance physique et trouées mentales. Fortement imprégné de mysticisme, Mimosas peine à donner relief et ampleur à sa vision du sacré et de la foi, que vient pourtant cristalliser un bel et énigmatique personnage, croisement indécis d’idiot, de sage et d’enfant. Le dernier quart du métrage, en s’expurgeant du semblant d’intrigue sur laquelle le récit s’était édifié, trouve un regain d’intérêt : si Mimosas déroute par l’hermétisme de son propos, c’est paradoxalement en assumant ce parti pris jusqu’au bout qu’il convainc le plus. Auparavant, le salut se trouve davantage dans le travail du détail : chevelures soulevées par le vent, bruits de pas sur les sentiers rocailleux, traînées de poussière qui s’évanouissent dans la lumière du crépuscule – autant d’éléments, de l’ordre de la pure sensation, qui animent de l’intérieur la matière même d’un film sans cesse à la recherche de sa propre incarnation.

CableHogue
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le 13 août 2016

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