Le film commence par petite touches impressionnistes et lumineuses à montrer le quotidien de trois adolescents et s'annonce comme une douce, sensuelle et jolie chronique adolescente.
Wilson beau métisse athlétique et taiseux ne semble trouver le sourire que dans les bras de Déborah, jeune fille à la pulpeuse beauté qui l'aime sans modération et se heurte parfois à son opacité.


Et puis il y a Stan, le fils du maire, jeune homme malingre et renfermé qui les épie en étrange voyeur et qui s'échappe de sa morne vie familiale en taguant les murs de la ville.


Seule la position de voyeur de Stan semble relier les scènes entre elles et le début du film ne laisse pas entrevoir le sinistre secret qui lie les deux garçons. L'un cherchant des moyens de s'exprimer en taguant un mystérieux "Mineurs 27" sur les murs de la ville, seul moyen qui semble lui rester dans un cadre familial ou semble régner l'incommunicabilité et au final, un lourd secret.


L'autre au contraire veut tracer sa route quitte à emprunter les chemins de traverse de l'illégalité pour mieux mettre le couvercle sur le passé. Au risque de compromettre sa belle relation naissante avec Déborah...


Le secret finira par être en partie révélé par le film qui quitte soudain la chronique adolescente pour plonger dans le polar glauque et montrer ces deux garçons aux prises avec le traumatisme de leur enfance et pris en chasse par un ripou (Jean-Hugues Anglade) et ses complices de la pègre locale sous la complicité passive du maire de la ville qui entendent tous garder le scandale profondément enterré pour des raisons diverses.


La pédophilie est un sujet forcément tabou et très rarement traité au cinéma. Difficile en effet d'éviter les divers écueils du voyeurisme, de "l’ellipse trop elliptique", du film "à thèse" ou du clip de prévention (Cf le médiocre Trust de David Schwimmer ) et en dehors du magnifique et bouleversant Mysterious skin, rares sont les films qui ont traité ce sujet avec autant de talent et de délicatesse sur "l'après". Comment un enfant violé survit, quels sont les conséquences sur sa vie sociale, sexuelle, affective, y a-t'il une possibilité de résilience ou ces enfants sont ils fatalement maudits et promis à un funeste destin ?
De ce point de vue, Mineurs 27 s'inscrit - avec une belle ambition - parmi les belles réussites sur ce sujet.


Jamais je n'aurais pensé que Tristan Aurouet - réalisateur du roublard Narco - aurait pu effectuer un tel virage stylistique à 180° et offrir un film si délicat, mystérieux et austère.
De passer d'un cinéma cherchant autant à séduire à un cinéma d'auteur aussi exigeant et délicat, quitte à rebuter, déployant de vrais et forts partis pris de mise en scène qui - en dehors - de quelques maladresses (le gang des Lellouche manque un poil de crédibilité notamment dans l'écriture des dialogues) offre un film vraiment personnel, singulier et puissant.


Un film qui avance de la lumière vers les ténèbres avec une lenteur inquiétante et au fur et à mesure que le récit dévoile ses secrets, l'horizon s'obscurcit et la violence augmente.


Noir c'est noir... un monde sans espoir se déroule devant nos trois jeunes protagonistes et la famille qui pourrait être le seul lieu de refuge et de résolution s'avère une impasse.
La mère de Wilson (magnifique Aïssa Maïga) tente des retrouvailles avec son fils qu'elle a abandonné - trop jeune pour l'élever - à la faveur de sa nouvelle grossesse et se heurte violemment à sa rancœur de l'avoir livré au mal. Et à la sinistre réalité autant qu'à sa propre culpabilité.


Quand au père de Stan... Il est au cœur même du secret et préfère sauver la face et éviter le scandale laissant son pauvre fils totalement livré à lui même et à ses démons.


Quand à la police, incarnée par un Jean-Hugues Anglade sinistre et répugnant (sacrée prouesse !) elle ne semble guère apporter une touche d'espoir dans tout ce marasme.


Mais c'est la mise en scène elle même (plus que le scénario, très sombre...) qui apporte la lumière sur ces beaux et touchant adolescents en leur faisant la part belle à l'image, quel que soit leur salut ou leur funeste destin. Tristan Aurouet les filme avec beaucoup de délicatesse et son regard sur eux est troublant de désir et d'empathie mêlés, même si le récit ne leur fait pas de cadeau, ils sont beaux et le spectateur ne peut qu'être séduit par ces adolescents qu'ils soient lumineux (Marie-Ange Casta), violent et opaque (Nassim Si Ahmed) ou ambigu et émouvant (Finnegan Oldfield, absolument fantastique !).


Et le film a le grand mérite de traiter son sujet de manière frontale mais pudique en s'attachant peu aux faits - évitant le voyeurisme glauque en jouant finement de l'ellipse et de la suggestion - et en collant constamment au plus près des visages et des corps de ces adolescents usant habilement du format 4:3 assez surprenant de nos jours et des gros plans qui exhalent le mal être de ces garçons autant que leur éveil sensuel perturbé.


Une belle réussite. Un projet fauché mais ambitieux autant qu'il fut difficile à monter.
Incontestablement, un auteur est né...

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le 12 août 2014

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Foxart

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