Du court au long et du long à la suite, Minuscule a bien grandi depuis ce jour où apparurent les petits sketchs de Giraud et Szabo à la télévision, jetant un pont entre le savoir-faire de Pixar et le savoir-dire de Microcosmos. Entre les décors réels façon Toy story et l’anthropomorphisme intelligent à la Cars, la série apportait du neuf avec du simple, en réinterprétant avec humour la contemplation enfantine de la nature, et en transformant la vie des insectes en situations dignes de certains Chaplin. Ces tranches de vie muette et bruitée avaient pourtant leurs limites, et pouvaient paraître manquer de queue moins que de tête, mais le premier film avait corrigé ce défaut pour tenir la durée, en détournant les codes du film de guerre et en ridiculisant A bug’s life ou Antz. Pourtant, et malgré le César obtenu en 2015, la suite a été financée dans la douleur, même avec la participation de la région Guadeloupe et le recours au crowdfunding.


On reprend comme sous le patronage de l’hésitation, entre redite et variante avec la course contre les mouches ou la chasse à la boîte à sucre, et celui de la tentation, plus précisément de la France d’antan aux couleurs Ripolin. Mais en fait, les choix narratifs sont différents et les nœuds scénaristiques sont originaux, et si la règle des humains absents ou muets est violée, c’est pour les rendre aussi étrangers que les insectes nous paraissent familiers. La grande prouesse, au-delà d’une qualité technique encore meilleure en raison notamment de la photogrammétrie, est de faire passer des sentiments tellement clairs à travers des personnages tellement simples, et si la musique est souvent orchestrale comme il est parfois dit du banal, elle est surtout bien plus qu’une nouvelle différenciation par les leitmotivs, donc bel et bien cette « couche supplémentaire de narration » que voulait Szabo. Il est peut-être dommage d’avoir réservé la conclusion à l’écologie pour plaire à tous et l’épilogue à la Chine pour plaire aux investisseurs, mais ce n’est pas cher payé pour un résultat d’une telle ambition, où le voyage épique en bateau Playmobil entre Up et Pinocchio fait aussi la synthèse avec le buddy movie, quand les séquences de la cérémonie funéraire ou de l’antre des chenilles expliquent que le merveilleux se niche dans le réel comme chez Isao Takahata ou Lewis Carroll.


Pour public averti (et qui préfère l’universel au franchouillard façon Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?) : Minuscule. Les mandibules du bout du monde (2019) d’Hélène Giraud (qui était dessinatrice conceptuelle sur Renaissance, dont le concept ou l’esthétique valaient nettement mieux que le scénario) et Thomas Szabo (qui est revenu des Zinzins de l’espace, dont le but était peut-être de fournir à Gulli de quoi remplir ses créneaux ou illustrer la notion de criard), avec Thierry Frémont (ou Jésus pour le chanteur de Trust il y a longtemps) et Bruno Salomone (ou Igor d’Hossegor pour Brice de Nice il y a encore peu de temps)


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Adelme
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le 30 janv. 2019

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