Docteur cagoule
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le 1 nov. 2017
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Je suis allé voir ce film la fleur au fusil, j’étais prêt à me laisser prendre par le film, que ce soit un chef d’œuvre ou une arnaque.
Je précise : pour moi, qu’un film soit une « arnaque », c’est certes un reproche, mais ce n’est pas si grave.
Par exemple, Canine et The Lobster ne m’avaient pas vraiment plu, car je ne supporte pas la vision du monde qu’y déploie Yórgos Lánthimos, mais j’y avais trouvé un ton original et personnel, des histoires qu’on ne m’avait encore jamais racontées. C’était selon moi des arnaques réussies : des films peut-être creux, méchants et bêtes, mais j’ignore pourquoi, ça avait marché sur moi.
Mieux vaut une arnaque à un film qui laisse froid et indifférent ; il est certes pénible de se faire escroquer, mais avant que l’on comprenne qu’il s’agit d’une arnaque, on y aura pris du plaisir : il y a dans l’arnaque filmique de la virtuosité, etc… Bref, Yórgos Lánthimos était jusque-là pour moi un cinéaste malin, au triple sens du mot « malin » : astucieux, méchant, et pernicieux.
Mais justement, ce film m’a laissé froid et indifférent.
Le film veut se poser comme chef d’œuvre, et croit déployer un symbolisme grandiose.
Pour moi (j’insiste : pour moi) c’est raté.
La démonstration est trop pesante : le film souligne lourdement qu’il est une allégorie (par la bouche de Martin, je crois). Lorsqu’une allégorie a besoin de se signaler comme allégorie, ce n’est pas très glorieux – et puis, merci, le spectateur est peut-être bête, mais il avait compris. Montre-nous que tu es une allégorie, film, prouve-le-nous, mais ne le dis pas.
Et puis, c’est du sous-Kubrick. Je ne sais pas si c’est un hommage ou une volonté de s’inscrire dans son sillage, mais c’est lourdaud, et la copie fait pâle figure. Les allusions sont en tout cas explicites : des travellings arrière à foison, mais surtout des travellings-couloir et une musique à la Shining, et là où l’allusion devient citation (de Eyes wide shut) : Nicole Kidman dénudée devant un miroir dans sa salle de bain, et discutant avec son mari.
Enfin et surtout, le film est trop froid et désincarné (décors aussi éteints que les personnages, de pures symboles vides – par choix ou par paresse d’écriture ?) pour que je puisse m’y intéresser : je n’ai dès lors pas envie de percer son mystère.
Pourtant, j’aime m’acharner à chercher le sens d’un film ; et il est beaucoup plus enthousiasmant de réfléchir sur un film de David Lynch, tout aussi complexe (voire +), mais généreux et vivant.
De toute façon, même sans chercher des interprétations pendant des heures, on voit globalement de quoi il s’agit : l’affirmation d’une misanthropie et d’un nihilisme.
Bref, j’espère que Yórgos Lánthimos retournera à ces petites escroqueries décalées et plaisantes qui épatent le bourgeois plutôt que de s’essayer au chef d’œuvre qui laisse indifférent…
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le 6 nov. 2017
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