Une expérience cinématographique étonnante et radicale qui malgré ses défauts à mélanger les genres, et malgré ses zones d’ombres finales, démontre le talent et la maîtrise d’un cinéaste dérangeant.


Un début prometteur entre calme relatif, ambiance familiale routinière, quoique suspecte et la présence de plus en plus inquiétante de Martin, élément extérieur et déclencheur de catastrophe, nous laissant entrevoir la culpabilité du médecin et le désir de vengeance.
La seconde partie vire à la farce à l’humour noir, à l’ironie voire au comique tout en distillant lentement les informations nous laissant suivre dans le flou cette famille modèle aux prises avec le surréalisme de leur situation. Une sorte de satire glauque et bien méchante mais le cinéaste prend son temps pour nous dérouler son intrigue et nous laisser nous perdre dans un voyeurisme malsain d’une famille au bord de l’éclatement, miroir d'une société peu réjouissante, où le malaise intervient dès la première rencontre entre le médecin et le jeune garçon. Relation au départ intrigante, fausses pistes. Le métrage joue de la torture tant physique que psychologique et pour finir de la punition où la malédiction surnaturelle rentre en jeu, renvoyant à Iphigénie fille d’Agamemnon et à la tragédie grecque et où les dieux sont remplacés par un jeune homme psychologiquement atteint, à l'air bien naïf et pourtant dangereux.


Les longs couloirs de l’hôpital synonyme de morts, plans insistants et menaçants sur les personnages où un danger invisible semble omniprésent, scènes statiques, personnages insensibles, discussions vaines et superficielles, mise à mort du cerf sacré reste sur sa ligne glaçante, servie par une caméra fluide et oppressante et une photographie soignée mettant en valeur les décors délétères.
La métaphore d’un pays voué au sacrifice et la responsabilité morale trouve sa place dans la survie du groupe, et le groupe accepte la fatalité.
De ces changements de tons et de cette pointe fantastique, la perplexité pointe, mais l’ambiance sourde teintée de normalité nous manipule entre fiction et possible réalité d’une situation tout autant improbable que le cinéaste la rend évidente par les comportements faibles et égoïstes de l’humain.
L’image du père renvoie à la dangerosité et la famille, ultime refuge bienheureux, ne tiendra pas face à l’instinct de survie.


Hormis une musique parfois trop présente, le choix et la direction d’acteurs sont excellents, seul Colin Farrell qui double sa performance de the Lobster, homme froid et peu expressif, peut agacer parfois. Nicole Kidman quant à elle trouve ici un rôle parfait entre inquiétude et froideur et Barry Keoghan inquiète comme à l’image des jeunes agresseurs de funny games  où il semble qu’il n’y ait aucune échappatoire.
Une découverte cinématographique.

limma
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le 29 janv. 2018

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