C’était un film que j’hésitais à voir. Je savais qu’il existait depuis longtemps mais je n’avais jamais tenté de me le procurer. Puis j’ai fini par tomber dessus en solde, je l’ai acheté, et il a commencé à prendre la poussière sur une étagère. Yukio Mishima est un auteur tellement important pour moi que voir son œuvre par les yeux d’un autre m’apparaissait comme un odieux sacrilège.

Je me méfiais également du fait que le film reste surtout connu pour la musique de Philip Glass. J’y voyais un mauvais présage, comme si l’œuvre en elle-même n’était pas assez bonne pour vivre sans sa BO.

J’ai lu facilement 90% de son œuvre traduite en français (romans, nouvelles, théâtre et essais compris) et au fond j’avais peur de découvrir un autre Mishima, peur de voir que j’aurais pu mal le comprendre, mal l’interpréter. J’ai été tellement touché par la lecture de cet auteur que parler de cette crainte me parait être une confidence des plus intimes.

Alors que dire sinon que ma peur a été balayée par l’émerveillement à la vitesse d’un coup de katana? Ce mélange de biopic et d’extraits de son œuvre romanesque fonctionne à merveille si bien que je n’arrive plus à comprendre comment on pourrait traiter autrement d’un écrivain au cinéma. Les passages biographiques, fortement inspirés de Confessions d’un Masque et du Soleil et l’Acier, sont entrecoupés de scènes du Pavillon d’or, de la Maison de Kyoko (le seul de la liste que je n’ai pas encore lu) et de Chevaux Échappés.

La mise en scène et les décors audacieux de ces extraits soulignent à merveille les interrogations de Mishima sur la beauté et sa soif conjointe d’artifice et de pureté. Quand les caméras reviennent sur Yukio Mishima, on découvre un Ken Ogata extrêmement convaincant et à même de porter tout le poids de son personnage. Mishima a toujours su sublimer ses propres contradictions au point qu’il en devient presque impossible d’en faire une synthèse. Pourtant Paul Schrader parvient à lui rendre un hommage sublime et à unifier à l’écran ses nombreuses facettes. Une merveille.
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le 26 févr. 2013

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